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Krasghârn prend la plume...

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Krasghârn prend la plume...

Message non lupar Krasghârn » 27 Nov 2012, 22:46

Voilà à quoi j'occupe mon temps libre : l'écriture...

On commence avec une petite nouvelle : Fuite

Un monde de ténèbres et de feu. Un sol sombre, hérissé de rochers acérés. Au loin se découpaient les silhouettes de volcans aux formes tourmentées, déchirant l'horizon. De leurs cratères s’envolaient des nuées noirâtres et épaisses à travers desquelles les rayons d’un soleil pourpre peinaient à filtrer. Des fleuves de lave zébraient la terre, dévalant à une vitesse folle les versants de montagnes noires, éclaboussant les pierres alentours. Les gouttes de roche en fusion bouillonnaient et sifflaient en perdant leur incandescence. Au pied de ces montagnes, une minuscule forme, presque insignifiante, fuyait, poursuivie par une douzaine de formes plus noires que du charbon. C’était un adolescent.

Il courait. Il courait plus vite qu'il n'avait jamais couru. Ils étaient derrière lui. Un rapide coup d’œil par-dessus son épaule le conforta dans sa terreur : ces choses le rattrapaient. Ses poumons le brûlaient, les fumerolles que vomissaient les cratères l’empêchaient de respirer. Les veines de son cou et de ses tempes pulsaient si fort qu’elles semblaient sur le point de se rompre. Sa sueur coulait dans ses yeux et l'aveuglait, plaquant ses cheveux sur son front et collant ses vêtements déchirés à sa peau. Il était à bout de force. Mais l’Empire l’avait choisi parmi les meilleurs pour accomplir sa mission, il ne devait pas faillir. Même après les deux jours de traques et de poursuites qu’il avait subies.

Les hurlements suraigus de ses poursuivants lui vrillaient la tête. Il avait l'impression que son crâne allait exploser. Tentant d’ignorer sa souffrance, il continuait sa fuite éperdue. Il slalomait entre des rochers torturés qui le dominaient de leur taille et se dressaient devant lui, comme pour stopper délibérément sa course. Il dérape sur des pierres minuscules qui semblaient vouloir le voir trébucher. Soudain, jaillissant de l’ombre dans laquelle elle était dissimulée, une créature se planta à cinq mètres de lui.
Noire. De la tête aux pieds. Elle n’était qu’une cape d’encre déchirée. Deux jambes, terminées par des pieds à cinq doigts pourvus de griffes acérées en jaillissaient. Les bras de la chose sortaient du milieu de son torse. Minuscules, comme atrophiés, ils étaient repliés sur sa poitrine et dégoulinaient d’un liquide transparent. Quant à sa tête… L’adolescent dut retenir un haut le cœur en la voyant. C’était une boule difforme, couverte de protubérances énormes, reliée au corps par un cou flasque. La créature n’avait pas d’yeux, mais un renflement au milieu du visage attestait qu’elle en avait eu un jour. Le reste de son visage était presque lisse, comme érodé. Soudain, l’adolescent remarqua un objet brillant à moitié absorbé par la chair molle du cou. Une chaîne dorée, dépassant par endroits de la peau de la créature. Au bout de cette chaîne se trouvait un pendentif. Un collier. L’adolescent réalisa alors que cette chose avait été humaine. Ses bras d’homme avaient été arrachés, ne laissant que deux moignons gigotant, son corps et son esprit avaient été déformés, mais le doute n’était pas permis. L’aura de ce lieu corrompait ceux qui y pénétraient. Le jeune homme ne devait pas traîner, ou il finirait comme cette bête, c’était une certitude.

Mais pour le moment, il était bloqué. Sur les côtés par les roches, devant par la bête. Ainsi désarmé, il n’avait aucune chance au combat, il le savait. Les comparses de celle-ci ne tarderaient d’ailleurs plus. Comme pour confirmer ses pensées, la créature renversa la tête en arrière et poussa vers le ciel un hurlement strident, le forçant à se boucher les oreilles. Moins d’une seconde après, cinq piaillements identiques lui répondirent. Tout près. Il chercha des yeux un moyen de contourner la créature. Celle-ci ne lui laissa pas le temps de le trouver. Pliée en deux, la tête en avant, elle bondit vers lui en hurlant. La vision était effrayante. L’adolescent réagit néanmoins avec une vivacité fulgurante. Il se projeta sur la gauche et effectua une roulade qui lui permit de se retrouver sur ses pieds, face au rocher. Il sauta sur celui-ci, prit appui sur une grosse aspérité et sauta. Un saut magnifique, au-dessus de la bête qui chargeait toujours sans même avoir réalisé que sa cible n’était plus là où elle l’espérait. Avant qu’elle n’ait eu le temps de se retourner, l’adolescent avait déjà atterri dans son dos et repris sa course.

La distance qu’il avait mis entre ses poursuivants et lui devrait lui laisser une avance suffisante pour atteindre la Faille. Derrière lui, les treize créatures s’étaient rassemblées et le poursuivaient de leurs démarches déséquilibrées. Elles se bousculaient en hurlant rageusement. Elles se faisaient trébucher les unes les autres, tombaient, roulaient, se relevaient puis reprenaient leur course. Cette vague vivante aurait pu être ridicule si elle n’avait pas été aussi terrifiante. Il était au bord de l’épuisement et ces monstres le rattrapaient. Il pouvait l’atteindre. Non. Il le devait. Elle était sa seule chance. Le seul lien entre son monde et la fournaise dans laquelle il se trouvait. Sa mission devait être réussie. Pour le bien de son peuple. Il devait rapporter le joyau qui accomplirait la prophétie et protégerait les hommes du passage des monstres, les mêmes que ceux qui le poursuivaient et d’autres, bien plus puissants encore, dans son monde. Grâce à lui, l’humanité ne serait pas noyée sous des hordes de créatures déferlantes.

Soudain, au détour d’un rocher, il la vit. A moins d’un kilomètre de la où il se trouvait. La Faille. Une déchirure de lumière dans ce monde de ténèbres. Elle flottait dans l’air, comme si une puissance avait donné un coup de couteau pour lié les deux dimensions, si proches et si différentes. Dans un rayon de huit-cent mètres autour d’elle, aucun rocher ne pointait. Il courut vers elle. S’il l’atteignait, lui et l’Empire seraient sauvés. Rien de vivant ne pouvait passer cette brèche sans être désintégré. Pas sans un des douze joyaux. Et il avait le dernier. Par mesure de sécurité, dès qu’il avait traversé, il avait jeté celui qu’il avait utilisé pour venir à travers le passage. Mieux valait rester bloqué dans cet univers qu’en donner un deuxième aux monstres. En effet, cela diminuerait sensiblement le temps dont avaient besoin les prêtres noirs pour lancer leur sort d’enchantement. Celui qui permettrait à l’armée des ténèbres de conquérir le monde. Son monde.
Mais un autre obstacle l’attendait à environ sept-cents mètres de là. Un abîme de près de six mètres de large, profond d’aux moins quarante au fond duquel coulait un fleuve de lave qui tournait perpétuellement autour de la Faille. Il exhalait des fumerolles épaisses qui rendaient l’air quasiment irrespirable. On ne savait pas par quelle magie s’était créé ce gouffre qui créait un cercle parfait. L’adolescent était loin de se poser la question. Ce qui le préoccupait actuellement était le moyen par lequel il allait le traverser. Il s’était débarrassé de la corde qui lui avait servi à l’aller quand les créatures avaient commencé à le traquer, deux jours plus tôt. Il devait être le plus léger possible pour espérer les distancer. Mais il se rapprochait toujours et aucune idée ne lui venait. Sauter était impensable. Il n’était pas assez entraîné. Plus que trois-cents mètres. Les créatures se rapprochaient. Il les entendait piailler. La proximité du gouffre et les volutes de fumée l’étouffaient. Deux-cent mètres. Les créatures étaient sur ses talons. L’air était irrespirable. Cent mètres. Il suffoquait. Sa décision était prise. C’était sa seule chance. Il devait réussir. Il se concentra et prit de la vitesse.

Il arriva au bord du gouffre. Il fléchit ses jambes, et les déplia dans une incroyable détente. Il s’envola au-dessus du gouffre. Les créatures hésitèrent. Tentèrent de s’arrêter. Deux d’entre elles, emportées par leur élan, tombèrent dans la lave. L’adolescent était encore en plein saut quand un jet de lave l’atteignit à la jambe gauche. Il s’écrasa sur le bord opposé, gémissant de douleur. Il tenta de se relevé, mais dès qu’il posa son pied gauche à terre, la douleur saisit son membre entier et il s’effondra. La blessure était affreuse. Sa peau avait disparue, laissant voir ses muscles brûlés. Heureusement, la lave n’avait fait que l’effleurer. Néanmoins, il lui restait plusieurs dizaines de mettre à parcourir, et sa jambe était inutilisable. Il rampa, le plus vite possible, car il savait que même si les créatures s’étaient arrêtées avant le gouffre, il n’était pas sauvé pour autant. Comme pour confirmer ses dires, les dix monstres prirent de l’élan et sautèrent au-dessus du fleuve de lave. La moitié d’entre eux n’atteignirent pas l’autre bord.

Il était à une huitaine mètres de la Faille. Les monstres furent sur lui en quelques foulées. Il n’eut que le temps de lever son bras, et dans un dernier effort, il projeta le joyau vers la Faille juste avant d’être plaqué au sol par un des monstres. Trois des créatures se précipitèrent derrière la gemme. Elles sautèrent dans la Faille, leurs bras ridicules tendus devant elles, poussant des piaillements où la rage se disputait au désespoir. Trois flashs suivirent dans lesquels disparurent les monstres. Un sourire étira les lèvres de l’adolescent, achevant de le vider de ses forces. Les créatures étaient mortes, désintégrés dans la Faille. Il avait réussi. Son monde ne serait jamais envahi. Les monstres étaient condamnés à rester dans leur univers de feu et de ténèbres. Un pied se posa entre ses omoplates. Cinq griffes se plantèrent dans son dos. Cinq ondes de douleur pure se diffusèrent dans tout son corps. La souffrance, pourtant, ne parvint pas à effacer son soulagement, presque sa jubilation. Il serait considéré comme un héros pour l’éternité. Deux minuscules mains se posèrent à la base de son crâne. Froides. Le noir envahit son esprit. La vie le quittait, rapidement, fuyant son corps à l’endroit où les membres monstrueux rentraient en contact avec sa peau. Dans quelques jours, l’univers malsain de ce monde aura fait son affaire, et son corps rejoindra l’armée des sans-âmes, maintenant inutile car incapable d’atteindre l’autre côté de la Faille.

Epilogue :
Du blanc, partout. Son corps se fissure de tous les côtés. Elle souffre. La Faille est en train de la désintégrer. Ses comparses subissent le même sort. Soudain, devant elle, une forme noire, pas plus grosse qu’une petite pierre, apparaît. Le joyau. La créature s’en empare. Immédiatement, son corps se reforme. Ses deux compagnons ont moins de chance. Ils éclatent en morceaux. La créature sort de l’autre côté de la faille. Elle se retrouve dans une prairie herbeuse, entourée d’arbres centenaires. Devant elle, des guerriers en armure abasourdis ne réagissent pas tout de suite. Le monstre pousse un cri, fait volte-face et saute dans le portail. Il a récupéré le joyau. L’armée des ténèbres aura bientôt l’occasion de déferler sur ce monde, grâce à lui. Les soldats, à peine remis de leur torpeur, enfourchent déjà leurs chevaux pour aller prévenir l’Empereur de l’échec de l’opération. Leur dernière chance s’est envolée.
Derrière eux, le cri de la bête continua de raisonner, longtemps.
Un cri de victoire.
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