Je comprenais le point de vue de mon ami. Etant de nature pétrie d'un besoin de justice, je peinais à désapprouver son action, mais il y avait dans son regard une détermination froide qui ne lui ressemblait pas trop. Je ne l'avais jusqu'à présent pas vu dans un tel état, et je craignais les débordements. Le fait de m'être confiée à lui et de n'avoir pas obtenu de changement de comportement me mit d'autant plus sur mes gardes.
Alors qu'il me proposait de trouver un bar ou un lieu de rassemblement quelconque, je fus pris d'une idée qui me fut soufflée, disons, par mon petit doigt. Je fis signe à Nikko d'attendre un moment. Je me concentrais, et un craquement lassant retentit : la dernière phalange de mon auriculaire gauche venait de se décrocher. C'était la première fois que je parvenais à dissocier une si petite portion de mon corps, et je ne pus que sourire face à mes progrès.
- Je vais l'envoyer retrouver Pix. Comme ça, si on a un problème, je ferais vibrer la phalange à distance pour le guider jusqu'à nous. A l'inverse, s'il a besoin de nous, il trouvera un moyen de nous contacter de la même façon.
Je me doutais que cela risquait de passer par la douleur, et cette pensée m'arracha une grimace. J'ordonnai à ce petit bout de moi de filer en direction de Pix, qu'il pouvait difficilement manquer avec les bonds dans les airs qu'il devait faire. Ma seule appréhension résidait dans la distance qu'il avait pu parcourir depuis tout ce temps : ma phalange risquait de ne jamais le retrouver...
Bah, ce n'est qu'une phalange dans la nature, j'ai déjà perdu bien pire...
Je finis par hocher la tête pour montrer à Nikko que j'étais prête. Bientôt, nous franchîmes le pas du premier bar sur notre chemin.