Songe 5
Le temps est humide, lourd et moite, j'ai littéralement l'impression de fondre en sueur dans cette forêt dense. Le chemin sur lequel je marchais à depuis longtemps disparu, ce qui ne m'a pourtant pas empêché de continuer ma route. En parlant de ça, j'ai bien l'impression de marcher depuis une éternité et peu importe où mon regard se pose je ne vois qu'une végétation luxuriante sans fin. Les souches recouvertes de mousse, les lianes qui pendent et le sol recouvert de fougères qui me paraissent énorme, voilà ce qui composent la voie que je parcours.
J'enjambe un énième tronc allongé qui barre mon trajet, et l'humidité mêlé à la mousse le rend plus glissant qu'une savonnette. Une fois à cheval dessus mes prises lâchent et je me m'écrase comme une bouse sur le sol. Le visage enfoncé dans la boue, je soupire avant de redresser la tête et de cracher un bon coup. Je me relève maladroitement, il faut dire que le sol boueux n'est pas hyper stable et je manque une ou deux fois de me vautrer de nouveau. Tâchant de trouver une zone de mes vêtements que la boue n'a pas recouvert afin de m'essuyer le visage, je me rends vite compte que j'étale plus qu'autre chose.
Mais comme pour bien enfoncer le clou, un première goutte s'écrase sur le bout de mon nez. Goutte qui est bientôt rejoint par toutes ses petites sœurs, et me voilà sous une pluie tropicale qui me fait d'avantage penser à une douche. Bon, l'avantage c'est que la boue qui me recouvre et très vite nettoyée. L'inconvénient c'est que j'ai l'impression d'être trempé jusqu'à l'os, et je n'y vois pas à plus de 5 mètres. Continuant d'avancer malgré tout, les gamelles sont bien entendu encore plus nombreuses avec toute cette flotte qui recouvre le sol. Et c'est après une temps qui me semble une éternité que le plus gros de cette averse se calme.
Me trouvant sous une pluie fine, mon champ de vision retrouve une certaine normalité ce qui me permet de constater que je semble avoir quitté la partie la plus touffu de cette jungle. Le sol est désormais plat et sans obstacle tandis que les arbres ont retrouvé un espacement plus important. J'avance donc bien plus aisément même si le sol m'oblige à une marche lente du fait que je m'y enfonce. Je crois bien ne jamais avoir autant détester la boue. Après quelques minutes, je m'arrête près d'un arbre pour me reposer cinq minutes et reprendre mon souffle. La respiration haletante et lourde, je lève les yeux au ciel d'ans l'espoir d'y voir poindre une petit rayon de soleil. Hélas rien n'y fait, la cime des arbres gigantesques qui m'entourent forme un véritable bouclier impénétrable.
Reprenant une bonne respiration, mon premier pas rencontre une petit branche de bois qui craque sous mon pied. La chose serait insignifiante si le souci ne venait pas de l'incroyable bruit qui retenti au même moment. Je suis bien conscient que la fatigue me contraint à des pas lourd, mais même ça ne justifie pas un son de craquement pareil. Un long frisson parcours le long de mon dos, et c'est droit comme un i que je me retourne progressivement. Réalisant un demi-tour complet, je me retrouve nez à nez avec une bestiole pas franchement engageante. Je dis ça, principalement à cause de sa taille qui frôle les 5 mètres de haut ainsi que des imposantes dents qui peuplent sa mâchoire. Ravalant ma salive, je reste figé par la peur de ce monstre qui me fixe avec ses deux grands yeux reptiliens.
Il me faut une à deux secondes pour que l'information arrive à mon cerveau, comprenant que la fameuse bestiole n'est rien de moins qu'un Tyrannosaure. Un sueur froide coule le long de ma tempe alors que l'énorme museau de l'animal s'avance pour me renifler. C'est là que tu te rend compte que ses plus longs quenottes sont à peu près aussi longues que mes avant-bras. Aussi dans l'immédiat la seule chose qui me vient en tête c'est de rester parfaitement immobile comme un certain archéologue coincé sur une île peuplé de dinosaures l'a suggéré dans mon enfance. Hélas pour moi, cette soi-disant technique n'est finalement qu'une grosse connerie. La preuve est que le T-Rex ouvre sa grande gueule pour en sortir un cri rauque que beaucoup reconnaîtront.
Autant dire qu'à cette instant, la puissante du son couplé à l'odeur pestilentielle de sa gueule, mon sang ne fait qu'un tour. Je devine assez bien que ma place est celle de son futur casse-dalle. Sans attendre d'en être sûr, je me retourne à la vitesse de l'éclair avant de courir comme un dératé. L'expression "RUN FOR YOUR LIFE !!" n'a jamais eu autant de sens pour moi qu'à cet instant précis. Je cours, tout en me forçant à ne pas regarder en arrière. Le bruit écrasant et lourd des pas du monstre m'informe à chaque enjambé qu'il ne cesse de se rapprocher. Mes poumons sont littéralement en feu alors que je maintiens de toutes mes forces ma vitesse de course élevée. Vu l'imposante bestiole je tente un virage à 90 degré. La stratégie semble payer même si je sens au moment au je vire que le bout de son museau me frôle le dos, tandis que sa mâchoire claque. Je réalise que je viens tout juste d'éviter un coup de mâchoire qui m'aurait sans doute amputé de la moitié de mon corps.
Malgré la peur, la fatigue me rattrape et ma course faiblit en conséquence. Il m'arrive de m'en rendre compte et de forcer une nouvelle fois l'allure, mais mon organisme me fait à chaque fois comprendre que je tire sur la corde rouge depuis bien trop longtemps. Mes pas sont alors moins bien assurés, et il m'arrive de vautrer en glissant sur le sol boueux encore humide de la pluie précédente. Les cris du monstre retentissent et se rapprochent de plus en plus, mais je sais que la chance de toute à l'heure ne se reproduira sans doute pas. Les muscles de mes jambes me lâchent et commence à se tétaniser, aussi je me résous à tenter le jeu de cache-cache derrière l'un des imposants arbres qui composent cette forêt. Pareil à un séquoia, le tronc mesure plusieurs plusieurs mètres de circonférence aussi j'espère profiter de cette avantage.
La respiration haletante et lourd, j'ai la tête qui tourne et des envies de vomir mes tripes. Mes mains appuyées sur mes genoux, et le dos adossé au tronc de l'arbre, je tente tant bien que mal de reprendre mon souffle. C'est alors que j'entends les pas puissants du T-Rex juste derrière l'arbre me servant de cachette. J'entends aussi qu'il renifle, suivant ma trace comme un parfait limier en chasse. J'essaye de calmer ma respiration pour surtout faire beaucoup moins de bruit. Et lorsque je l'entend commencer à tourner autour de l'arbre, je l'imite en reculant doucement. Sauf que j'oublie une chose relativement importante dans l'anatomie d'un Tyrannosaure, sa queue. Sentant quelque chose bouger, j'ai à peine le temps de tourner la tête que je me fais propulser en l'air. Celle-ci bougeant de gauche à droite pour équilibrer l'animal, je n'avais sur le moment pas réalisé que la longueur totale du T-Rex faisait plus que la circonférence du tronc.
Atterrissant une nouvelle fois la face dans la gadoue, je me retourne mais sans avoir la force de me relever. Face à moi, me dominant de toute sa hauteur l'imposante tête du Tyrannosaure me fait face. Sa bouche commence à s'entrouvrir alors qu'un long filet de bave coule et s'écrase sur le sol. L'odeur de son souffle est sans doute la pire chose que j'ai jamais senti dans toute ma vie. Tétanisé par la peur, je reste figé sur le sol sans pouvoir bouger le petit doigt. Seul mes membres se mettent à trembler, à la fois par l'effroi et par fatigue d'avoir autant couru pour ma vie. À cette instant je donnerais n'importe quoi pour que la putain de météorite qui les a tous exterminé tombe du ciel et rase tout.
Mes yeux exorbités fixent les énormes dents du monstre qui se mettent doucement en mouvement, dévoilant une langue de la taille de mes jambes. Ravalant ma salive en sachant pertinemment ce qui m'attend, mon regard vide s'égare jusqu'à atteindre les yeux du T-Rex. Les énormes pupilles me fixent et grâce à leur taille je peux aisément voir mon propre reflet. Le reflet pathétique d'un peureux qui espère que le premier coup de dents le tuera rapidement. S'en suive deux petites secondes qui pour moi semblent durer une éternité, puis je vois la gueule du monstre foncée sur moi suivit d'un voile noir.