Cela faisait maintenant quelques nuits que Trolonge avait affronté le castor géant, il avait eu la chance de les passer dans des lieux paisibles et dénuées d'ennuis, mais ça ne l'avait pas empêché de plancher sur son état, son pouvoir, et surtout, ses options.
*Je ne sais pas ce qui m'a prit.*Lui que j'ai autrefois connu frivole et heureux de simplement pouvoir vivre dans ce monde onirique, il commençait à me faire de la peine à se torturer pour cette histoire.
En effet, même si ça n'avait duré qu'un instant, il avait le soir du combat, totalement sombré dans la folie, un point de vue qu'il ne connaissait pas.
*est-ce que cet endroit m'a rendu fou? Ou bien est-ce cela mon pouvoir, ne plus ressentir la peur?*En effet, tous ses sentiments, jusqu'à la douleur qu'il aurait du ressentir, l'avaient quitté pour laisser place à une sauvagerie déraisonnable, qui aurait sans aucun doute pu lui coûter la vie. Il fallait faire en sorte que cela ne se reproduise plus, car un esprit vacillant dans un monde finirait sans doute par l'être dans l'autre, et peut être valait il mieux mourir ici que changer là-bas.
En attendant, il en resterait à sa première idée, celle qu'il était capable, d'une manière ou d'une autre, d'instiller la peur chez les autres. Mais un simple voyageur néophyte n'arriverait guère à faire fuir un vétéran, aussi lui faudrait-il gagner un palmarès, factice si nécessaire, afin d'éviter les combats inutiles qui pourraient le mener à perdre la vie... ou sa conscience elle même.
UN palmarès, ou bien un objet magique, mais ces derniers n'avaient pas l'air de se trouver au moindre coin de rue, et ce n'était pas plus mal, ils n'auraient jamais dissuadé personne s'il en avait été autrement. Toujours était-il qu'il avait un plan. Il fallait qu'il vole le crédit d'un autre. Qu'il se fasse remarquer comme quelqu'un de fort en s'accaparant un fait d'arme ou un exploit gigantesque. Peut-être cela attirerait-il des opposants, mais il n'aurait aucun mal à faire fuir les plus tenaces, et à poliment expliquer la situation à ceux qui s’avéreraient compréhensifs.
Mais le bassin paisible que représentait cet objectif n'en était pas moins flétri par les ondulations du doute, qu'allait-il advenir de Trolonge, le bon gars qui ne veut de mal à personne?
*On aurait dit l'autre.*L'autre, c'était le double de lui même qu'il avait vaincu en même temps que sa phobie. Mais plutôt qu'une quelconque victoire, il s'agissait d'un accord. Il avait accepté l'idée d'avoir peur, et peut-être... l'idée que ce double pouvait faire partie de lui. Une chose était sûre, si c'était bien le cas, rien de bon n'allait advenir ni du fait qu'il l'accepte, ni du fait qu'il le réprime.
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Cette fois il était habitué. Pas de "je suis où?" et autre "c'est quoi ce fuck?", il se contenta de pointer des yeux acérés tout autour de lui pour établir dans son esprit une carte de son environnement. Cette opération n'était pas facilitée par la pénombre environnante, mais une puissante odeur de vieux livres parvenait jusqu'à ses narines.
Une allée de très faible largeur mais d'énorme longueur puisque l'on en voyait pas le bout, constituée de deux murs et de plafonds indiscernables, des milliers d'étagères empilées contre les murs, des millions de livres, des milliards de pages et sans doutes une infinités de mots, et sur la porte qui se trouvait derrière lui, un écriteau de bois patiné; "Le canard, La canne et l’œuf."
Si vous me demandez mon avis, je ne le vois que comme un symbole du destin, ou plutôt un souvenir, une lueur invisible qui tentait alors de remettre le garçon dans le droit chemin, celui de l'émerveillement. Dreamland avait perdu un ami, et il s'agissait certainement de la dernière main tendue avant qu'il n'en fasse le deuil. Mais pour le jeune homme, il ne s'agissait que d'un rayon inutile dans une bibliothèque tout aussi futile. Peut-être surgirait-il de l'ombre un homme rat mangeur de livre ou bien rien du tout, il n'en avait que faire, il s'en foutait. Je remarquais simplement qu'il envisageait toutes les situations sauf celle de trouver un ami, il faut dire que ses rêves n'avaient pas étés très roses pour le moment, il n'avait croisé de voyageurs que de vue, et n'avait pas pris la peine de leur parler de peur de se faire repérer comme un bleu, voir de se faire tuer.
- Et bien allons y...C'est avec lassitude qu'il avançait doucement dans le rayon portant sur les canards de dreamland, passant à côtés d'ouvrages comme "le canard des rêves; comment connaître son pouvoir." ou sa célèbre suite "Le canard indestructible, comment il vous fera devenir numéro 1."
- Quel cave peut bien avoir besoin d'un truc pareil.Il avançait dans le couloir lugubre, maintenant incapable de voir aussi bien la porte d'entrée que la fin du corridor.
Il passait en dessous d'un panneau qui semblait flotter au milieu de l'allée: "Le canard du monde humain."
Comme si il y avait la moindre chose à savoir là dessus.
Pourtant, un son retentit dans l'allée silencieuse, le bruit d'une pille de livre qui s'écroulent.
Fallait-il fuir, se cacher? Idée intéressante que de se camoufler dans un couloir. Mais que pouvait être ce bruit? Un visiteur? Non, pas dans aucune lumière visible. Un monstre? Mais pourquoi ici? Un autre voyageur? Pourquoi pas en fait...
Secouant la tête, il se reprenait, il était temps d'avancer, que ce soit dans ce lieu exigu ou dans ses plans pour l'avenir.
Profitant de l'angoisse ambiante, c'était peut-être sa chance de vérifier si son idée était juste. Il allait trouver la source de ce bruit et la terroriser.
Décoiffant rapidement ses cheveux, affichant un regard meurtrier n'arrivant pas à la cheville de celui qu'il avait présenté quelques nuits plus tôt, il s'avança, doucement, vers l'origine du son qu'il avait perçu un peu avant.
[Yop! Je prends quelques libertés pour le lieu de départ, mais tu en fais ce que tu veux! Les livres peuvent être tombés tous seuls ou même pas du tout, c'est toi le Meujeu!]