Fou celui qui croit maîtriser le temps. Idiot celui qui pense l'asservir. Sourire au lèvre, Gabriel abaissa sa main. Derrières lui se dressait des hommes et des femmes aux yeux voilé par l'illusion. Mais il ne s'y trompait pas. Le rêve lui avait tout dit, et il avait tout dit au rêve. Mais il se doutait qu'il ne lui avait pas tout révélé. Un doute persistait, un doute qui lui donnait la force de continuer, d'avancer. Les rêveurs firent briller leurs paumes qui s'illuminèrent d'un mauve-indigo pour laisser s'échapper des serpents qui ondulèrent dans le ciel, avant de faire pleuvoir l'enfer sur terre. Ce fut le signal pour lui et ceux qui étaient resté prêt de lui. Ensemble ils chargèrent la ville, semant chaos et désolation parmi les flammes noires qui naissaient, comme si ces traits de feu rejetait leur progéniture à l'intérieur de ces murailles. Gabriel ne fit rien, il couru aussi loin qu'il put avec ses camarades rêveurs qui eux tranchaient ce qui se trouvait sur leur route. Même la garde ne servait rien contre des rêveurs dont le pouvoir était l'imagination.
Mais ce n'était pas une ville ordinaire. C'était un piège. Une illusion.
Quelle idiotie de croire que ce serait facile, que le jeune homme obtiendrait ce qu'il cherche depuis longtemps sans faire le moindre efforts. Quelques membres de son groupes ralentirent, avant de se plaindre de souffrir de mal de dos. Leurs voix n'étaient plus qu'un murmure, avant de s'effacer contre le vent.
Poussières. Ils étaient devenu poussière.
Accélérant le pas, il se sentit également fatigué. Une étrange magie les faisait vieillir, et même en faisant plus d'efforts cela ne marchait pas. Ils n'avançaient pas. Gabriel ouvrit subitement les yeux. Ils n'avançaient pas. Non. Ils avançaient. C'était leur temps qui ne s'avançait pas. Répété à l'infini, ils allaient courir pour l'éternité.
Pourtant, Gabriel sourit, rit. La barrière se brisa dans un son de verre brisé, et les morceaux de temps s'écrasèrent sur les pavés de la ville. D'une main inquisitrice, il força ses camarades à s'approcher du château qui fut de plus en plus proche. Un a un ses compagnons furent maîtrisé par le temps. Un a un ils tombèrent. Tous. Tous sauf un ; Gabriel. Cerné par la garde et par le temps qui s'accrochait à ses poignets déjà périmé par l'âge, il ferma les yeux.
Expirer. Inspirer. Penser. Imaginer. Matérialiser. Réagir. Et il réagit.
Disparaissant de la vue de tous. Il réapparu juste devant l'un des gardes qui l'observa d'un air incrédule. En lui touchant le nez du bout de ses doigts, il le fit disparaitre. Presque. Il accéléra son temps, le transformant en poussière. Les autorités reculèrent d'un pas, effrayé l'espace d'un instant. Ils eurent l'effarante pensé qu'un rêveur avait réussi à maîtriser le temps. Non, impossible. Ils se reprirent et chargèrent tous en même temps. Même constat, même résultat. L'un des leurs se transforma également en poussière. Alors qu'ils s'agitèrent sans comprendre ce qu'il se passait, Gabriel rit de leur stupidité. Lorsque les renforts arrivèrent, il n'y avait plus personnes. Seulement des casques et des armures vides, noyé dans de la poussière.
Gabriel avait apprécié les hauteurs de cette ville qui brulait aussi bien que du cuir. Il ne maîtrisait pas le temps, il ne s'opposait pas à lui. Ne cherchait pas à le contrôler, à le maîtriser. Il se jouait du temps, l'accompagnant, tel une danse synchronisé. Mais il n'avait pas fini, il devait pénétrer dans ce château. Alors il ferma les yeux, sourit, puis disparu.
Devant lui se trouvait ce qu'il cherchait. Ses yeux ne l'avaient pas déçu, cela ressemblait vaguement à un sablier surmonté d'une machine ou d'un meuble qu'il ne pouvait décrire, même en se forçant à réfléchir. Le sablier, il l'avait presque imaginé de cette forme. Ses doigts étaient à quelques mètre de lui, prêt à déposer ses empruntes. Il s'immobilisa. Quatre protagonistes se trouvaient derrière lui. Pestant contre ce revirement de situation, il leur fit face. Comme un rêveur ignare.
-Gabriel, pour vous servir.Ironie. Ou était-ce un sarcasme ?
Notant le visage empourpré de la femme qu'il jugea magnifique, élégantes et aux yeux exquisément cruels. Quel dommage qu'elle soit si en colère, Gabriel l'aurait bien courtisé. Le mouvement du vent le tira de sa rêverie. Un cochon endormit aurait entendu ce mouvement grotesque, dépourvu de légèreté. Une solide liane venant du néant attrapa l'homme torse nu, le projetant violemment à terre. Il allait l'achever lorsque ses mouvements ralentit, donnant le temps à l'homme torse nu de sauter en arrière et de charger à nouveau.
Erreur. Grossière erreur.
Il avait apprit à jouer avec le temps, il ne s'était pas arrêté depuis. D'un claquement de doigt, le temps se brisa en faisant le bruit d'une vitre qui éclate. Cette fois-ci, le jeune homme abaissa son poignet. La gravité se fit plus forte, l'homme n'y résista pas et tomba lourdement au sol, interrompu dans sa charge. Pour l'empêcher de faire des bêtises, des chaines roses surgirent du néant pour s'enrouler autour de lui, l'emprisonnant. Briser ses chaînes reviendrait à briser les sentiments de Gabriel. Et ses sentiments tinrent bon.
-Vous m'excuserez.Il se retourna de moitié, déjà les deux autres protagonistes attaquaient, réagissant aux hurlements de la diva cruella. Il sourit. Cette femme était décidément l'une des pierres précieuses les plus brillantes qu'il avait vu de toute sa vie. D'un geste de la main, les deux autres subirent le même sort que le précédent. La femme aux yeux aussi cruel qu'un politicien véreux marcha vers lui d'un pas résolu.
La peur.
S'il la laissa franchir la limite, elle ruinerait tout. Utilisant son imagination, il fit apparaître une grille rose, grille qui tel une rose se fana immédiatement. Elle avait réussi. Elle en était capable. Aussi bien qu'il jouait avec le temps, cette femme pouvait jouer avec ses sentiments.
-Pas cette fois.Fronçant les sourcils, abordant un sourire sans sentiments, il modifia légèrement la réalité. Une grille épaisse et solide s'échappa du sol et du plafond pour se rejoindre, comme deux amoureux revenant de la guerre. Un lien qui ne pouvait être détruit, un court répit pour lui. Malgré les interdictions et les conseils de la diva, il toucha le sablier.
Tu as des regrets ? Non.Des souvenirs refirent surface. Le sablier vibra, s’arrêta puis s'écoula. La pièce s'éloignait déjà, la réalité aussi. Il était seul.
Seul. Face au vide du néant.