[Zone 4] La Gare Perdue

[Marvan]

Alors que je tentais de faire entendre raison au pauvre homme, la remarque de Pix me mit hors de moi. Je me retournais brusquement, furieuse et crachai :

- Tu fais chier! Tu veux vraiment le laisser comme ça?!

Je lui lançais un regard noir avant de reprendre ma tâche, tentant tant bien que mal de calmer la colère dans ma voix. Il se débattait, manquant de m'éborgner comme si j'étais responsable de sa situation mais je m'efforçais de croire en mes chances de réussite. Il m'était trop insoutenable de penser qu'il allait mourir là, sous mes yeux! Je ne perçus l'étreinte de Pix que dans un brouillard ; mes yeux baignés de larmes étaient rivés sur mon patient. Soudain, je crus voir dans son regard une lueur de raison jusqu'à présent absente. Mon visage se figea, incrédule.

Il va y arriver!

Mais le train fonçait à toute allure, bien trop près. La lumière des phares détourna son attention, et tout fut terminé. J'eus beau lui hurler de me regarder, il n'écoutait pas, trop happé et envoûté par son destin qui allait le percuter d'une seconde à l'autre. Brusquement, je me sentis portée dans les airs, les bras de Pix assurant une prise ferme autour de moi. Je me débattais à mon tour, les mains griffant l'air, voulant retourner auprès de lui. Une seconde plus tard, un bruit mou et métallique se fit entendre, alors que des étincelles formées par les roues sur les chaînes dansaient tout autour de nous. J'en savais assez sur les suicidés se jetant sur les rails pour deviner le spectacle qui nous attendait : mes yeux s'étaient fermés par réflexe lors du choc, pleurant à chaudes larmes. Je hoquetais, profondément choquée par ce qui venait de se passer. La petite voix dans ma tête chuchotant que j'avais fait de mon mieux, que tout était fini et qu'il y avait une mince chance qu'il fut sauvé de son coma résonnait sans accroche. Je me blottis dans les bras de Pix, sanglotant sans pouvoir m'arrêter.

[Pix]

*On volait dans les airs. Je n'avais pas trop cherché à réfléchir. Quand j'avais jugé le train beaucoup trop prêt j'avais utilisé tout l'air accumulé pour nous envoyer rapidement vers l'arrière. Je craignais malgré tout un quelconque appel d'air qui pourrait foutre en l'air mon saut. Mais tout va bien... Marvan est bien avec moi et nous sommes en sécurité. Hélas, on ne pouvait en dire autant du rêveur qui se fait splacher comme une merde. L'image m'intrigue. Je n'avais jamais vu de mec se faire splacher par un train de cette manière. Je vois le type exploser sous la puissance et l'énergie cinétique du train. J'essaie d'intégrer cette image au plus profond de mon être comme à chaque fois que je vois quelque chose de difficile (si possible, je suis pas un surhomme). Ne pas fuir l'insoutenable et regarder l'horreur bien en face. Affronter l'horreur pour ne jamais être atteint... Ironique n'est ce pas ?

Mais quelque chose me dérange tout de même ... Où est le nuage de fumée ? Un rêveur qui se faisait tuer éclatait en fumée avant de se réveiller.

Etait-il Voyageur ?

Etait-ce ça finalement un rêveur permanent ? Condamné à mourir et à souffrir ?

Etait-ce un cycle ?

Oui, je reprends beaucoup d'interrogation de mon précédent post mais ce que je vois me laisse sans explication logique. Le temps s'arrête tandis que le train continue de réduire en bouillie ce qu'il restait de cet inconnu. Je réfléchissais à toute vitesse sur ce que je venais de voir. Mon plus grand défaut, j'ai parfois tendance à vouloir interprêter trop rapidement les résultats. Il me faut déjà tous les recueillir...

Qu'allait-il advenir de ce pauvre type ? *

Je dois en voir plus.

*Je réalise que j'aborde la partie descendant de mon bond. Je prépare un coussin d'air dans mon dos pour amortir une chute qui sera ...*

-Aoutch !

*... Violente.*

Mon dos ...

*Je reste là, assis par terre. Le choc était tel que j'ai rebondis contre une rame qui s'est retourné. J'ai rebondis sur le sol et je suis là. Assis par terre avec Marvan qui se blotissait à présent contre moi. Je serre Marvan contre moi par réflexe en lui caressant les cheveux. Mais à ma grande honte, je fais assez peu attention à sa détresse, je réfléchis. Je suis contrarié par ce qu'il vient de se passer et j'intègre ce que je viens de voir et de comprendre. Pour le peu que j'ai compris.

Je serre d'avantage Marvan contre moi en lui caressant les cheveux et en couvrant ses cheveux de petit bisous réconfortants.

Elle sent bon.

Je sors de ma réflexion, me rappelant que le plus important dans toute cette histoire était actuellement dans mes bras et je la serre d'avantage contre moi.*

-... Ça va aller ?

*Je réalise alors qu'elle était vraiment choquée par ce qu'elle venait de vivre. C'était plus fort qu'elle, elle devait forcément s'impliquer...*

Je savais que j'aurais du aller en réa à sa place ...

*J'avais plus d'expériences qu'elle. Elle prenait encore trop peu de distance avec ce qu'il se passait dans Dreamland. Il fallait qu'elle se protège d'avantage bon sang ! Comment voulait-elle tuer des Voyageurs permanents si la mort tragique d'un rêveur la mettait dans cet état. Les rêveurs sont toujours terrorisés comme ça dans leurs cauchemars !

Je repense toutefois à ce qu'elle a vécu dans le monde réel et je radoucis mon jugement. Je ne devais pas me mettre en colère. Je devais me montrer compréhensif. J'aurais tout le temps de faire un débrief avec elle plus tard. Le plus important pour le moment, c'était de la consoler... On verrait le reste plus tard.*

[Père Castor]

*Après avoir réduit en bouillie le type. Le train continue sa route sur les rails avant de disparaître au loin.

Pix et Marvan avait volé suite au bond boosté par le pouvoir et la peur de Pix. Le choc est rude pour Pix mais sa colonne ne devrait être qu'en deux ou trois morceaux. Tout va bien.

L'endroit venait de retrouver son calme.

Un calme plus oppressant.*

[Marvan]

Blottie contre Pix, je l'entendis me demander comment j'allais. Je levais mes yeux plein de larmes, puis me ravisais, incapable de le regarder. Il y avait chez lui un calme qui me mettait hors de moi. Placidement, il avait analysé la situation, comprit que nous ne pouvions sauver cet homme et raisonné froidement. Comment pouvait-il...?! Je serrais les dents, respirai un bon coup. La chaleur de son étreinte apaisait peu à peu mon coeur qui battait la chamade, et je savais très bien que m'énerver contre lui ne nous mènerait à rien de bon. En plus de cela, il avait respecté mon choix de tenter le tout pour le tout, privilégiant ma décision jusqu'au dernier moment, lorsque l'instinct de survie même m'aurait fait défaut. Une part de moi savait très bien qu'il venait de me sauver la vie : seule, j'aurais été bien incapable d'abandonner, happée que j'étais par une mission qui me menait à ma perte.

Je le serrais encore plus fort et murmurai un faible "merci" qu'il n'entendit probablement pas. Mon égarement face à son caractère, si différent dans Dreamland que dans la réalité, ne méritait pas que je me détourne de lui. Mon innocence, ma naïveté presque plus puissante dans le monde des rêves que dans la réalité finissait par sainement contrebalancer son détachement, son objectivité qui me semblait parfois dénuée de sentiment. Sans moi, peut-être n'aurait-il jamais essayé de s'impliquer dans une quête aussi hasardeuse et harassante. Sans lui, mon fragile équilibre mental, trop influencé par mes émotions, serait depuis longtemps brisé.

De me rendre compte ainsi de notre curieuse complémentarité, je sentis ma détermination reprendre du poil de la bête. Je m'écartais un peu, séchais mes larmes et chassais les derniers signes de mon angoisse passée d'une longue inspiration.

- Allons voir, dis-je sans une once d'hésitation.

Je savais que nous ne comprendrions pas la scène qui venait de se dérouler sous nos yeux sans analyser pas à pas le moindre détail. Les connaissances de Pix dans le monde de Dreamland allaient certainement être un atout majeur. Il fallait décortiquer tout cela. Je m'efforçais peu à peu à me placer d'un point de vue objectif, méthodique : ce que j'allais voir là-bas n'était pas l'homme que j'essayais de sauver quelques secondes plus tôt. Des preuves, des indices, rien d'autre.

Je me levais, prête à partir et lançai à Pix un regard rassurant. Je me doutais bien qu'il ne serait pas dupe, mais si je passais le reste de la nuit roulée en boule, nous perdrions de nombreuses informations. J'eus l'impression pour la première fois que Dreamland faisait de moi quelqu'un d'autre.

[Pix]

*On reste comme ça un long moment. Les pensées fusent dans ma tête à une telle vitesse qui me serait impossible de vous les décrire actuellement. J'espérais seulement que Marvan ne serait pas trop affecté par ce nouvel "échec". Pour le reste, j'essayais de me concentrer sur mon dos.

Qui me faisait affreusement mal. *

A tous les coups, j'ai du me péter une vertèbre.

*Je regarde le lointain en essayant de calmer mon esprit et de recentrer mes pensées comme j'essaie souvent de faire sans y arriver. Je me remémore une musique j'aime bien pour tenter de me calmer.

Finalement, le long moment de pause sera brisé par Marvan qui décide d'aller voir de plus près de quoi il en retourne. Je libère mon étreinte pour qu'elle puisse aller voir. Je la regarde faire avec une grimace, c'était peut-être un peu tôt pour aller voir un cadavre en charpie... Et mon premier réflexe fut de me dire que je voulais lui éviter ça ... Mais je me ravise bien vite. Si je voulais qu'elle "grandisse" il me fallait arrêter de la surprotéger. Je devais la laisser prendre des initiatives.

Je tente toutefois de me lever pour ne pas la laisser seule.

Mais j'ai mal.*

-Pars devant, je me suis explosé le dos. Je crois ... Que je vais prendre mon temps sur ce coup.

[Marvan]

Alors que je m'attendais à être suivie par Pix, je le vis tressaillir et grimacer. Je m'aperçus seulement alors de la violence de notre précédent atterrissage : tellement préoccupée par ce qui venait de se produire, j'avais occulté les quelques secondes suivant l'accident, effaçant ainsi la brutalité du choc. Je regardais autour de moi, comme découvrant notre environnement, et compris qu'il s'était salement amoché contre une rame de métro en tombant. Il avait su me protéger, mais son dos en avait pris un sacré coup...
Je baissais les yeux, honteuse, et oubliai mon idée de partir devant.

- Excuse-moi, soufflai-je en m'approchant, je ne me suis pas rendue compte. Est-ce que ça va aller?

Je réfléchissais tout en posant une main compatissante sur son bras. J'avais besoin de son aide pour comprendre ce qui s'était passé, mais voir la scène n'était peut-être pas le plus urgent. Je m'assis auprès de lui, gardant le silence pendant un instant. Puis, comme je me doutais qu'il devinait mes pensées, je soupirai et les partageai à haute voix.

- Qu'est-ce que tu en penses, toi? demandai-je en tentant de faire disparaître les derniers tremblements dans ma voix. Je n'ai encore jamais vu une chose pareille... Mais je n'ai jamais vu personne mourir à Dreamland. Est-ce que ça se passe toujours comme ça? ... Je veux dire, c'est toujours aussi... réaliste?

[Pix]

*Marvan finit assez rapidement par se rendre compte que je ne la suivais pas et loin de partir devant, elle revient vers moi pour m'apporter son soutien. J'appréciais l'attitude, ça fait toujours plaisir, on va pas se mentir. Elle semblait inquiète, il faut dire que le choc était violent et que lesté d'un poids, mon pouvoir n'avait pas aussi bien réagi que d'habitude. Mais il fallait relativiser et surtout la rassurer.*

-Oh t'inquiètes, j'ai réussi à créer une bulle d'air pour amortir le choc ! J'ai juste un peu mal... Mais ça va regarde !

*Et c'est sans difficulté, mais avec des précautions, que je me mets sur mes deux jambes. Je m'étire le dos encore endolori. Je n'avais certainement rien de cassé, j'avais juste pris un mauvais coup.

Par contre, il était certain que si je n'avais pas eu un tel pouvoir, je pense que j'aurais le dos en bouilli là tout de suite.*

Il est vraiment pratique ce pouvoir... Et beaucoup moins dégueulasse que celui de Marvan.

*Je fais un sourire à Marvan pour lui indiquer que je vais mieux et j'accompagne le tout d'un mouvement de tête pour l'encourager à avancer voir de quoi il en retourne. Elle me pose ses questions... Légitimes.*

-Souviens-toi la nuit avec Nikko. Dreamland EST réaliste... Quand quelqu'un meurt c'est pareil !

*J'en savais quelque chose pour avoir été témoin et acteur de certaines morts.*

-... Par contre, ce que je ne parviens pas à expliquer c'est que ça ne marche que pour les Voyageurs... Je m'explique ! Les morts réalistes ne valent que pour les Voyageurs. Un rêveur qui se fait tuer ou qui souffre d'une manière insupportable finira toujours par se réveiller... De la même manière que l'on peut se réveille toi et moi, tu sais le "pouf" avec le nuage de fumée qui fait très dessin-animé. Bah voilà, c'est pareil pour la mort d'un rêveur.

*Ne sachant pas si elle voyait où je voulais en venir, je continuais mon explication.*

-Ce qui me dérange, c'est qu'il apparaissait clairement que ce type n'était pas Voyageur. Je suis sûre à trouze mille pourcent que c'était un rêveur. Une sorte de rêveur permanent... Après on peut se demander ce qu'il foutait là et s'il a l'habitude de venir ici... Mais ... Il aurait du faire pouf... En tant que rêveur, il aurait jamais du mourir de cette manière.

*Je hoche la tête, exposant ma seule explication logique.*

-La seule chose que je vois, c'est sa nature de rêveur "permanent". Mais quand bien même s'il est rêveur et qu'il vient de mourir sous nos yeux... Où est-il ? Un Voyageur qui meurt se réveille et ensuite revient à Dreamland en tant que rêveur. Où va un rêveur qui meurt sans possibilité de sortir de Dreamland pour se réincarner, tu vois ce que je veux dire ?

*Je lève les bras.*

-Ça n'a AUCUN putain de sens !

[Marvan]

Je vis Pix se lever péniblement, et ne sut décider si je devais ressentir de l'inquiétude ou du soulagement. Il était costaud en règle générale et le voir souffrir autant mettait en perspective la violence du choc. Ne pouvant vraiment savoir s'il essayait de me rassurer en dissimulant un état plus catastrophique, je restais sur mes gardes. Péniblement, j'essayais d'oublier ses blessures pour me concentrer sur la priorité : comprendre quel était le fuck.

J'écoutais attentivement les hypothèses de Pix et dut admettre que son raisonnement tenait la route. Le caractère proprement terrifié de cet homme, l'aspect étrange de notre environnement, tout concordait pour penser qu'il était bien rêveur, incapable de contrôler quoique ce soit de ce terrible cauchemar. Pourtant, ce que nous savions de son état dans le monde réel et la brutalité de sa mort ne collaient pas... Après tout, nous savions toujours entendu parler de "Voyageur" permanent, mais le terme semblait peu à propos : ces gens-là n'avaient aucune conscience qu'ils étaient dans le monde des rêves, ce qui entrait en conflit avec la définition même.

- Ça ne va pas, murmurai-je faiblement, alors que nos pas nous menaient peu à peu vers la "scène de crime". J'arrêtais mes pas, fronçant les sourcils. La notion de cycle doit nous échapper. Il doit forcément réapparaître quelque part, et revivre la même chose, ou un autre événement traumatisant centré sur sa phobie, tu ne crois pas?

Je continuai de questionner notre raisonnement, mais sans avoir vu ce qui restait de lui et des chaînes qui l'entravaient, il semblait impossible de trancher. J'espérais de tout coeur qu'un indice pourrait nous guider, mais dans le doute, je partais du principe que suivre les rails pouvaient être une bonne idée. Je laissais mes pas me guider, attendant avec impatience d'arriver à bon port.

[Pix]

*Nous nous remettons donc en marche pour retourner sur la scène du crime. J'étais plutôt d'accord sur le principe avec ce que disait Marvan.*

-Probable ... Mais je vais me la jouer un peu scientifique... On manque carrément de données pour extrapoler. Il faudrait retourner le voir à la prochaine nuit ou chercher un peu partout dans le Royaume. Soit il revit constamment le même événement au même endroit, soit il boucle à différents endroits comme tu le penses, soit il enchaine les rêves à la con partout dans Dreamland ce qui va quand même vachement nous compliquer la vie.

*Nous n'étions pas encore arrivé sur place, ce sera certainement le cas lors du message d'animation qui devrait arriver dans la soirée si tout se passe bien.*

-... Enfin ! Déjà retournons voir ce qu'il reste de lui et on avisera ensuite...

*Oui, si Marvan a déclaré dans sa narration remonter les rails, j'ai pas forcément cette idée. Pas qu'elle soit mauvaise mais je suis Roleplay tavu. Marvan l'a pensé, j'y ai pas pensé et tant qu'elle m'en parle pas, je ne peux pas porter de jugement de valeur dessus.

Bawé, c'est la folie.

Le seul jugement de valeur que je peux porter, c'est que la gynéco me pète ironiquement les couilles.*

[Père Castor]

*Alors que les Voyageurs ont enfin les rails de visu. Ils remarquent un truc étrange.

Y a comme un mec enchainé aux rails qui chouine.*

[Pix]

Mmh...

*Bah tiens, voilà que le type était de retour. Cela donnait des points dans la théorie de Marvan selon laquelle le mec était en train de boucler le même cauchemar. Seulement pour en être sûr, il faudrait le laisser encore un peu mourir et observer. Je me tourne vers Marvan sans avoir le courage de lui proposer la chose. Pour le moment je m'arrête de marcher et j'attends de voir sa réaction. M'est avis qu'elle se jetterait sur lui pour tenter de le faire devenir Voyageur à nouveau... Personnellement si l'idée est pas dégueulasse, j'aurais aimé faire quelques petits tests avant histoire de comprendre un peu plus le phénomène auquel nous avons à faire.

Ce n'était pas de la cruauté envers ce rêveur... Mais juste de la conscience. Je ne comprenais rien à ce qu'il se passait et je voulais être sûr de ne pas faire plus de mal que de bien.

Bref, j'attends et j'observe la réaction de Marvan avant de prendre une décision, quelle qu'elle soit.*

[Marvan]

J'attrapai le bras de Pix et le serrai, un peu trop fort, tant je n'y croyais pas mes yeux. Bien sûr, j'aurais été certainement bien plus perplexe si ma théorie ne s'était pas confirmée, mais de voir cet homme en chair et en os alors que nous venions de le voir se faire splasher par un train... Je clignais des yeux plusieurs fois, éberluée. Pendant un instant, je perdis les mots et ne pus adresser à Pix qu'un mutisme choqué plein de mimiques probablement ridicules.

Je finis par abandonner l'idée d'exprimer une quelconque pensée cohérente et me mis à courir en direction des rails. Pendant ma course, je jetais un regard inquiet autour de moi, à la recherche de tout signe indiquant la venue de la locomotive. Un vrombissement, le bruit cyclique du métal contre le métal, un filet discret de fumée... Tout était bon à prendre, tant que cela me donnait une idée du temps que nous avions devant nous. J'osais espérer, sans trop y croire, que nous étions arrivés à un stade plus précoce de son cauchemar qu'auparavant et qu'avec un peu de conviction nous parviendrons, cette fois-ci, à l'extraire de son rêve.

Malheureusement, cela ne nous laissait guère le temps de réfléchir plus avant sur nos théories respectives... Je choisis alors de rester sur la mienne, qui était quand même vachement "Monsieur Charles"esque. (Si tu ne comprends pas cette blague, re-regarde Inception, mon ami.).
Je m'approchai donc de mon patient et respirai un bon coup. Les images choquantes de notre précédente expérience me sautaient au visage et je craignais de tomber d'un instant à l'autre dans une espèce de catatonie terrifiée. Heureusement pour moi, l'adrénaline jouait son rôle comme une grande et l'urgence prenait le pas sur les émotions.

- Monsieur ***, regardez-moi, dis-je d'une voix douce, mais tremblante. Je me plaçais de l'autre côté des rails, afin qu'il puisse bien voir mon visage et peignais un sourire crispé que je voulais rassurant. On ne se connait pas, mais je suis là pour vous aider. Ayez confiance en moi!

Ses traits montraient toujours une panique indicible, ses larmes coulant sur ses joues comme si rien ne s'était passé. Je ne savais pas s'il avait le moindre souvenir de ce qui s'était produit, mais en suivant la logique de Dreamland, je supposais que non, et préférai me présenter comme une étrangère. Je repris le discours que j'avais eu quelques instants plus tôt seulement, peinant pour oublier la boule de nerfs qui se creusait dans mon ventre. Pas une seconde fois, me promettais-je intérieurement tout en parlant sans discontinuer.

- Vous êtes dans un rêve, monsieur! Prenez une grande inspiration, essayez de vous calmer une seconde. Est-ce que vous vous souvenez de comment vous êtes arrivé ici? De qui vous a attaché? Rien n'a de sens, monsieur ***, vous comprenez? Si vous parvenez à vaincre votre peur, tout ce cauchemar disparaîtra de lui-même!

Je m'interrompis une seconde, jetant un regard vers Pix en quête d'encouragements.

[Pix]

*Oh bah tiens ! En voilà une bonne surprise ! Voilà le retour du comateux, on ne pouvait tellement pas s'y attendre. Sauf que si en fait, c'était méga-prévisible. Mais moi j'étais pas satisfait. Il était encore trop tôt pour conclure vraiment et je ne serais pas contre d'avantages d'expérimentations. Mais ce n'était pas l'idée de Marvan qui fonce comme une seule femme. Je la regarde faire en faisant la moue.*

Meh ...

*Elle n'avait pas abandonné son idée de s'occuper du rêveur et de le faire devenir Voyageur. Il me semblait qu'elle allait un peu vite en besogne.*

Mmh...

*Hélas, je ne voyais pas quoi faire pour lui faire entendre raison. Désapprouvant l'action mais ne voyant pas comment intervenir, je me contente de m'avancer, les mains dans les poches en restant inactif.

Dans le doute, j'observe autour de moi ce qui se passe pour surveiller la venue d'un nouveau train, ce qui était vachement prévisible, du coup, statistiquement.*

[Père Castor]

*A la même distance du rêveur qu'auparavant, il y avait la locomotive qui avait en fait fait le tour du coin avant de se réinstaller tranquillement au même endroit. Marvan va donc s'installer auprès du rêveur pour lui parler et le rassurer. Le rêveur est toujours aussi con. Le pauvre a grave la trouille et il chouine. Il se débat un peu quand Marvan le touche. Bref, il fait chier et on est reparti pour un tour.

Marvan lève les yeux vers Pix et le verra concentré sur ce qui se passe autour de lui. Il a l'air principalement intéressé par la rame de train au loin.

Toutefois, Marvan finit, en insistant, par caler légèrement le rêveur qui renifle beaucoup mais le contact est un poil plus présent.

C'est à ce moment que la lumière de la rame s'allume réduisant à néant les efforts de Marvan. Le rêveur se remet à hurler et à se débattre comme un fou.*

[Marvan]

Putain de merde! hurlai-je intérieurement, bouleversée de vivre une seconde fois un tel échec.

Le rêveur, après avoir repris son calme pendant quelques secondes, se retrouvait de nouveau paniqué. Se courbant sur les rails, gesticulant tant bien que mal malgré les chaînes qui s'enfonçaient dans sa peau, il venait de perdre la raison, une fois de plus. Des larmes de rage commencèrent à poindre au coin de mes yeux. C'est pas possible! On ne va pas faire ça en boucle, tout de même! Je comprenais l'inutilité de ma démarche et cela me blessait presque autant que la vue de la locomotive lancée à toute vitesse. Ma méthode n'avait de toute évidence aucun sens dans Dreamland, et sa phobie enserrait bien trop sa conscience pour qu'il saisisse l'absurde de la situation. Il fallait réfléchir vite.

Je levais de nouveau les yeux vers Pix, pleine de détermination.

- Est-ce que tu penses qu'on a une chance pour arrêter le train? lançai-je sur un coup de tête. Ton pouvoir suffirait?

Je doutais que mes capacités aient une chance de soulever une locomotive et sans sa maîtrise de l'air, l'entreprise me semblait bien hasardeuse. L'idée qu'un chauffeur puisse délibérément foncer sur cet homme me vint à l'esprit ; une colère monstre me fit rougir des pieds à la tête et mon envie de sauver ce rêveur devint encore plus forte. L'idée d'envoyer un oeil inspecter la cabine était sensée, probablement plus sensée que celle de parvenir à raisonner mon patient, mais je craignais que la vue de mon visage borgne ne fasse qu'empirer son état. Il fallait se décider : rester pour lui parler et tenter le tout pour le tout, ou s'éloigner pour de bon afin de ne pas accentuer son angoisse.

Je jetais un regard et ne vit que la peur personnifiée. Ses yeux roulaient dans leurs orbites, tantôt fixés sur la lumière qui se rapprochait, tantôt sur le ciel, éblouis et perdus dans l'obscurité. Je doutais même qu'il soit encore capable de me voir. Poussant un soupir, j'expliquais à Pix ma démarche, m'éloignais des rails et ordonnai à mon oeil de filer en direction de la locomotive. Si une quelconque créature des rêves - ou un Voyageur? l'idée semblait folle - était responsable de cette scène morbide, il aurait bientôt un poing téléguidé entre ses deux yeux.