[Zone 4] La Gare Perdue

[Pix]

*La lumière revint soudainement alors que Marvan faisait tous les efforts du monde pour aider le rêveur pris au piège. Je fis la grimace. Tout se passait exactement comme la dernière fois. Je n'étais pas sûr que Marvan arrive à quoique ce soit avec de simples paroles... Ah moins d'insister beaucoup. On ne sait jamais.

Ou alors, se pourrait-il simplement que le rêveur ne puisse s'en sortir ? C'était une éventualité. On pourra dire ce qu'on veut mais c'est le rêveur qui vainc sa phobie. Nous pouvons l'aider mais le coup final sera porté par le principal intéressé. Si ce dernier n'était qu'une pauvre merde incapable de se sortir les doigts, Marvan pourrait s'égosiller comme elle voulait, elle n'arriverait à rien.

Mais Marvan souligne quelque chose d'intéressant. A notre aide, nous devions opposer l'influence du train...*

Le faire tomber ...

*Toujours les mains dans les poches, je fais quelques pas en arrière en observant le véhicule.*

-Y a moyen ... Si je le tape sur le côté alors qu'il est en pleine course, je devrais arriver à le faire dérailler... Peut-être. Il va peut-être falloir que je m'y reprenne à plusieurs fois... Tu penses que ça suffirait ?

*Je soupire.*

-Tu veux vraiment qu'on le fasse devenir Voyageur ? Et si on le tuait nous-même ? Ça pourrait peut-être shunter la boucle ?

*L'idée sortait comme ça, de manière un peu brusque, je le reconnaissais aisément. Mais je ne voulais vraiment pas faire de connerie et je voulais que Marvan le voit ainsi.

Si elle s'entêtait, je n'insisterais pas et je ferais tout ce qu'elle attend de moi. A savoir, faire dérailler ce putain de train .

En attendant, elle avait déjà envoyé son oeil pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur du train qui commençait à prendre de la vitesse.*

[Marvan]

Je réfléchissais aux capacités de Pix : je l'avais vu plusieurs fois faire des sauts impressionnants et être capable de soulever plusieurs personnes avec lui, mais je ne savais pas du tout s'il pouvait faire dérailler ce train. Mes pensées filaient à toute vitesse, pressées par le temps.

- Peut-être que si je place mes bras à des endroits stratégiques, en plus de ta poussée... songeai-je à voix haute, envisageant déjà de décrocher de nouvelles parties de mon corps alors même que je n'avais encore reçu aucune information de mon œil lancé en éclaireur.

Alors que Pix émettait des doutes sur le bien-fondé de transformer en Voyageur un homme qu'on venait initialement assassiner, je poussais un soupir. Une part de moi restait profondément idéaliste, presque naïve, et j'entretenais en secret l'idée de tout raconter à cet homme, une fois sauvé. Dreamland, les pouvoirs, les phobies, la particularité de son statut... Pourquoi ne choisirait-il pas lui-même sa destinée? Après tout, si nos intentions étaient les meilleures du monde, nous ne pouvions pas savoir s'il avait réellement envie de se réveiller. Il me semblait primordial de lui laisser la chance de s'exprimer à ce sujet et pour cela, nous étions bien obligés de lui sauver la mise.
J'aurais voulu expliquer ma pensée à Pix, mais l'ambiance ne s'y prêtait pas. Je choisis la version courte :

- Essayons de le sauver. On verra bien ensuite ce qu'il en est.

Insatisfaite du faible résumé que cela constituait, je songeai à une meilleure façon de partager mon ressenti, tout en attendant de savoir s'il y avait ou non un chauffeur aux commandes.

[Père Castor]

*En attendant, l'oeil de Marvan arrive au niveau de la cabine. Cette locomotive était parfaitement autonome. Personne à l'intérieur, les commandes s'activaient toute seule.*

[Pix]

*Je fais un non de la tête.*

-Garde tes mains. Autant ton pouvoir est pété, autant contre un train à vive allure... Tu te ferais broyer tes membres. Garde-les, tu en auras besoin.

*Bon, je fais signe à Marvan que je vais aller me bouger le fion.*

-Occupe-toi de lui, je m'occupe du train.

*Je m'arrête et je me retourne vers elle.*

-Y a quelqu'un dans la cabine ?

*Quand je recevrais ma réponse, je me mettrais en action pour faire dérailler le train. Je pense que je devrais y arriver...*

[Marvan]

Je haussai une épaule. J'avais eu dans l'idée de trouver un point d'accroche sur la locomotive et de tirer très fort quand Pix m'en aurait donné le signal... Et puis, j'avais déjà eu le bras complètement broyé lors d'une précédente nuit. Cela n'avait été aucunement agréable, mais le jeu en valait la chandelle. J'expliquais rapidement à Pix mon idée, histoire de voir si cela lui semblait plus concret, mais restais prête à me plier à sa décision ; trop peu confiance en moi pour m'affirmer sur ce point.

Sur ce, mon œil atteignit la lucarne de la locomotive, pour découvrir un wagon fantôme. Les leviers et commandes se mouvaient selon une volonté propre à Dreamland et je n'eus pas une seule réaction de surprise. À vrai dire, un soulagement discret venait étouffer la colère qui était montée peu à peu à l'idée qu'une créature puisse délibérément ôter la vie de ce pauvre homme. Mon œil resta auprès du train, calquant sa vitesse sur la sienne. Je vis nos trois silhouettes au loin et une angoisse violente me serra le ventre.

- Personne! lançai-je à Pix pour répondre à son questionnement. Vas-y!

[Pix]

*Marvan m'expose son plan... Elle avait pas tort et c'était une bonne idée. Mais... J'avais tout de même des réserves.*

-Je peux y arriver seul ! Garde tes bras ! On ne sait jamais ce qui peut venir ensuite et il faut que tu sois en pleine possession de tes moyens. Et je suis pas sûr qu'une borgne manchotte soit super rassurante pour le péon !

*Et sur ces dernières paroles, je partais en courant vers le train. Je ne savais pas vraiment si elle m'écouterait, mais à la rigueur, moi j'avais donné mon avis et elle faisait bien ce qu'elle voulait.

L'idée serait de rassembler le plus d'air autour de moi en profitant de ma cinétique afin de créer une sorte de mini-tornade que je pourrais envoyer contre le train sur le côté. J'agrémenterais le tout e plusieurs projectiles aérien pour terminer de dévier la trajectoire du train pour que le rêveur soit en sécurité.

Si Marvan m'avait écouté, elle pourrait éventuellement en profiter pour rassurer le rêveur pendant ce temps. Et dans le pire des cas, sans le train pour venir nous faire chier, on aurait le temps de voir pour briser ses liens.

Si Marvan ne m'avait pas écouté et envoyé ses bras ... Je ne saurais pas trop ce qu'on pourrait faire...

Puis de toute façon, je partais du principe qu'on réussirait, mais on avait le droit d'échouer.

Seul le MJ nous le dira. Car le MJ est grand.*

[Père Castor]

*Marvan décide donc de se fier à l'avis de Pix et elle récupère son oeil et retourne vers le rêveur. De son côté Pix va utiliser son pouvoir pour tenter de faire dérailler le train. Le Voyageur arrive à créer une tornade qu'il envoie vers le train en pleine course. La violence de l'attaque de Pix parvient à le faire pencher sur le côté et à le faire s'écraser sur le côté et à trainer au sol. C'est une réussite pour le Contrôleur du vent.

Ça fait un boucan du diable. Le rêveur hurle de terreur, le pauvre ne comprenait pas trop ce qu'il était en train de se passer.

Quand le train finira sa course, pour le cliché, il y aura une grosse explosion. Parce que bon, c'est quand même vachement plus rigolo.*

[Marvan]

Mon œil récupéré, je m'approchais de nouveau du rêveur, bien décidée à lui faire oublier cette putain de locomotive. Je choisis la manière forte : je m'agenouillais près de lui et enserrais son visage, le tournant vers le mien.

- Regardez-moi! Tout va bien se passer! lançai-je en haussant le ton pour couvrir le bruit du train qui se rapprochait de plus en plus. Je commençais à regretter de ne pas avoir pris l'optionnelle d'hypnose... Ma voix rendue aiguë par l'émotion avait un je-ne-sais-quoi de crissant, ce qui, de par sa ressemblance au son des roues sur le métal, n'avait rien de rassurant.

Je déblatérais tout ce qui me passait par la tête, peinant à conserver son attention, alors que la mienne était en permanence happée par Pix qui s'apprêtait à déchaîner son pouvoir. Soudain, une tornade s'éleva près de lui, sifflante ; j'eus à peine le temps de rester bouche bée qu'il la projetait contre la locomotive. Le wagon pencha dangereusement sur le côté, les roues se détachèrent du rail, s'élevèrent... Avant d'avoir le temps d'esquisser un semblant de mouvement de recul, le train déraillait entièrement, des étincelles fusant de toute part, pour s'écraser lourdement au sol. Mes oreilles subirent péniblement le boucan et alors que j'entamais un mouvement pour les protéger, l'explosion de la machinerie me grilla les yeux. Le souffle me projeta au sol, mon dos cognant brutalement contre les rails et le rêveur hurla encore plus fort, complètement paniqué.

Je restais une seconde par terre, les yeux rougis tournés vers le ciel. Je haletais, ma cage thoracique ayant encaissé les rails avec désapprobation et hoquetais pendant une minute avant que mes poumons ne retrouvent leur pleine fonction. Quand l'angoisse s'atténua un peu, une décharge violente s'empara de ma colonne et les larmes me montèrent aux yeux. Putain, grinçai-je uniquement dans mon esprit, mon souffle étant bien trop précieux pour des vulgarités. Encore heureux, j'avais été suffisamment loin de l'explosion pour ne pas avoir la gueule cramée. J'avais envie de brûler les costards parfaits des putains de héros de films d'action qui se tapent une clope en tournant le dos à une explosion. Non mais, quelle connerie!

Je parvins à me redresser au bout de quelques instants de handicap moteur certain, et ma première pensée fut tournée vers Pix. Dès lors que la tornade avait été lancée, je ne l'avais plus eu dans mon champ de vision et craignais qu'il n'ait été trop près de la locomotive lors de l'explosion. J'eus envie de crier son nom, mais un murmure pathétique s'échappa seul de mes lèvres.

[Pix]

*Comme prévu, j'arrive à faire une grosse tornade que j'envoie dans la tronche du train lancé à vive allure. La physique étant de mon côté, il serait aisé de renverser le train. Hélas, ma tornade n'est pas encore tout à fait suffisante.*

Chiure.

*Toujours en l'air, je crée plusieurs grosses billes d'air sous pression que j'envoie en chaine tel un Végéta en puissance sur le train pour lui apprendre la vie à cet enculé. Si ma tornade avait déstabilisé le train, mes autres attaques avaient achevé son équilibre. Le train décolle et s'écrase sur le sol continuant sa course en trainant lamentablement.*

-Wouhou !

*M'exclamais-je, bras en l'air, en me laissant retomber mollement. Comme à son habitude dans ce genre de chute freestyle, mon chapeau quitte ma tête. Je le regarde flotter dans les airs au dessus de moi, avant de poser mes yeux vers là où était Marvan. J'étais content parce que j'avais réussi à lui rendre service.

Puis, c'est toujours cool de faire des trucs badass devant sa chérie. Moi j'aime bien quand elle est fière de moi et qu'elle me fait des gros calins.

C'est toujours mieux que quand elle gueule... Bawé, logique tavu.

Mais là, ça fait boom.*

Wow.

*J'étais assez loin pour pas me prendre des dégâts, mais la puissance du souffle vient foutre la merde dans ma chute pépère. Obligé de me servir de mon pouvoir pour pas me faire souffler et partir je ne sais où en n'importe nawak. Normalement, j'avais envoyé le train suffisamment loin pour que Marvan ne meurt pas connement, mais dans le doute je m'assure quand même qu'elle aille bien.

La Voyageuse avait juste été un peu soufflée. Elle va avoir quelques sourcils roussis mais rien de plus. Et c'était pas dommage.

Je retombe souplement sur le sol avec un flip arrière pour le style.

Je me redresse et attrape mon chapeau avant de le replacer sur ma tête et je me dirige vers Marvan pour voir comment elle va et surtout pour voir comment allait le rêveur.

Soudain, le doute m'habite... Si on défonce le train, le rêveur avait quand même moins de chance de vaincre sa phobie non ?*

Mmh... Je me demande si on aurait pas tout faux en fait...

*Boarf, je me prenais certainement la tête pour rien. Au pire, on avisera.*

[Père Castor]

*Le train était en flamme, Marvan allait bien même si elle était sonnée par l'explosion qui avait lieu vers sa position. Pix n'avait rien et se la pétait peut-être un peu. Marvan repère rapidement le Voyageur qui s'avance vers elle avec un air cool, genre main dans les poches, tout va bien.

Le rêveur était toujours tétanisé, enchaîné et comme un con.

Ah bah oui, il a pas l'air bien malin ce monsieur.

Le calme oppressant du lieu était couvert par le bruit des flammes qui rongeaient le véhicule à proximité.*

[Marvan]

Je poussais un soupir de soulagement en voyant arriver Pix, l'air nonchalant. Je lui tendis la main pour qu'il m'aide à me relever. Une fois debout, je frottais mon dos endolori, grimaçait pendant une bonne minute, puis tombais sur le spectacle de la locomotive brûlante.

Comme beaucoup de monde, je trouvais dans le feu une fascination particulière et restais un long moment à contempler les flammes qui léchaient peu à peu les restes du train, provoquant de temps à autre de petites étincelles qui s'éteignaient en silence. La vision d'un tel incendie dans Dreamland avait quelque chose de surréaliste : jusqu'à présent, je considérais encore malgré moi le monde des rêves comme tel, c'est à dire un univers assez féerique et propice à l'évasion, à l'imagination. Voir une catastrophe pareille sous mes yeux, moi qui n'en avais encore jamais été témoin dans le monde réel, me provoquait une grande inquiétude. Peu à peu, je perdais cette naïveté qu'avait tout récent Voyageur de penser qu'il existait des barrières entre la brutalité de la réalité et la grande liberté offerte par Dreamland. Finalement, tout était vraiment possible ici, les beautés les plus saisissantes comme les pires atrocités.

Perdue dans mon spleen, je poussais un soupir et m'approchais du rêveur en traînant les pieds. La lassitude provoquée par mes réflexions m'empêchait de me réjouir de la réussite de mon plan et je m'aperçus, quelques temps après, n'avoir même pas félicité Pix pour son exploit. Les genoux douloureux enfoncés dans la poussière, je regardais mon patient d'un oeil nouveau. Il se débattait encore, comme si la locomotive risquait une fois de plus de lui foncer dedans, et sa panique m'inspira un profond agacement. On faisait tout, depuis le début de cette nuit harassante, pour qu'il prenne conscience de son existence et la limitation de ses réactions commençait à me mettre hors de moi. Je voulais qu'il se secoue, qu'il prenne en main son destin et fasse taire en lui la bête sauvage apeurée. Sentant que mon irritation allait se faire sentir, je levais mon regard vers Pix et lui demandai d'une voix lasse :

- Tu peux prendre le relais, s'il te plait?

Je suis complètement perdue, voulus-je ajouter dans un souffle, mais il me sembla au dernier moment que cela n'aurait été rassurant pour personne. Je me laissais tomber sur les fesses, molle comme une poupée de chiffon.

[Pix]

*J'arrive auprès de Marvan et remarque qu'elle avait plus dégusté que ce que j'aurais cru à la base. Je m'en inquiète et m'approche rapidement vers elle.*

-Ça va aller ? Tu n'as rien ?

*Je la vois faire craquer son dos et dérouiller ses articulations tandis que je l'inspecte sous toutes les coutures. Pas de gros trou ou de membres mal orientés et bien attachés ... Elle avait l'air en un seul morceau. Je me recule un peu pour lui laisser de l'air et me retenir de l'étouffer de mon inquiétude en la serrant contre moi. J'y suis peut-être allé fort... Je ne saurais dire... Je me tourne vers l'épave dévorée par les flammes... Ouais, j'y étais allé fort ... Mais c'était ce qui m'était demandé, si j'avais fais mon délicat, le type se serait fait écrasé par le train ... A un moment, on peut pas dérailler un train lancé à pleine vitesse avec des bisous et des coeurs.

Puis fallait que je me calme, elle avait eu un peu chaud mais n'était pas en sucre non plus. Dans ce monde, elle en verrait d'autres. Il fallait que je pète un coup moi aussi. Je la regarde un moment tandis qu'elle semble absorbée par les flammes. Dieu qu'elle était belle. La pute.

Je reporte également mon attention sur le type qui était terrorisé. Le pauvre, lui qui avait peur des trains et de ce genre de connerie, voilà que je lui fais dérailler un train qui explose sous ses yeux. Niveau instant de détente, on avait vu mieux... Je fis la moue, ça n'allait pas simplifier le travail de Marvan mais au moins maintenant personne ne viendrait faire chier.

D'ailleurs Marvan se retourne vers lui. Elle traine les pieds mais ça peut se comprendre, la nuit a été jusqu'à présent assez forte en émotion. Je la suis en prenant soin de garder mes distances pour ne pas perturber son travail d'une part mais également pour garder à l'oeil le décor... Oui, on n'était pas à l'abri d'un train de secours et on restait dans un lieu de cauchemar... Ce n'était pas parce qu'on avait pas rencontré de créatures dangereuses jusqu'à présent qu'il n y en avait pas. Marvan était concentré sur son rêveur, j'étais concentré sur sa sécurité, tel était le deal qui s'était installé spo...*

Hein ?

*Je tourne la tête vers Marvan alors qu'elle me demande de prendre le relais ? Et mon speech interne sur mon rôle de gardien silencieux qui pète la classe ? Genre le mec qui regarde à l'horizon avec un air sérieux en méditant sur son passé et ses objectifs personnels ?

Je me retrouve à faire l'aide-soignant à genou dans la caillasse ?

Mais ! C'est pas juste !*

-Euuuuh...

*Pouvais-je sincèrement dire non ? Non, je ne le pouvais pas.*

-D'accord.

*Je m'avance et je me retrouve à genou devant ce type terrorisé, je me tourne vers Marvan avec de grands yeux. Je suis paralysé et effrayé par la peur de ce type. Qu'est ce que je pouvais dire bordel ? J'ai jamais eu à faire ça dans toute ma vie de Voyageur. Moi en général, les ennuis sont du genre violent et me pousse à user de violence pour me sortir du dit problème. Là, je devais faire des papouilles à un inconnu. Un type que je ne connaissais pas, que je ne savais comment qu'il était arrivé ici et que j'ai jamias eu à gérer.

Je me sens tellement pas à ma place... *

-Euh... Calmez-vous.

*Dis-je en tapotant un peu la tête de manière pas très rassurée.*

Mouais... C'est à chier.

-Tu peux te retourner, je suis un peu gêné ...

*Oui, dans ce genre de situation, je pouvais être assez pudique et je ne voulais pas sentir le regard de Marvan sur mes épaules... Je ne voulais surtout pas de regard qui pourrait juger mes faits ou mon verbe ... Je me sentais tellement ridicule et nul que je pourrais même surinterprêter un regard et le prendre assez mal...

Oui, j'étais vraiment très mal à l'aise par l'exercice.*

-T'as qu'à surveiller les alentours, que rien m'arrive sur la tronche pendant que je gère le type.

*Voilà, va faire un tour pendant que je cause au monsieur. Laisse donc faire les hommes qui savent. Va faire un boulot de femme, protéger mon cul.*

[Marvan]

J'attendis la réponse de Pix et l'accueillit avec soulagement. Son malaise s'abattit sur mes épaules comme une chape de plomb : j'ouvris la bouche, prête à me raviser. Étais-je plus à même de gérer cette situation? Était-ce une erreur d'abandonner une tâche que je m'étais initialement imposée? J'en venais même à me demander si mon comportement était juste. Après tout, ma motivation nous poussait en avant depuis le début de la nuit, j'avais pris les décisions les unes après les autres, aiguillonnée par un instinct qui venait de me quitter sans préavis. Mon corps se dégonflait comme un ballon que l'on perce et voilà que je me trouvais contrainte de laisser les conséquences de mes choix entre les mains de Pix. Lui qui m'avait suivi jusqu'à présent sans rechigner, presque sans discuter mes opinions...

Je lui offris un regard plein de reconnaissance, qui s'accrut à mesure que son propre embarras grandissait. Répondant à son besoin d'intimité, j'obéis sans rien dire, les yeux baissés pour dissimuler mon trouble. Je marchais lentement, sans but, m'éloignant peu à peu d'un pas lent et lourd. Bientôt, je m'aperçus que j'avais grimpé un monticule qui donnait sur les rails et surplombait ainsi de quelques mètres la catastrophe. Le rougeoiement de la locomotive en flamme rayonnait à des lieues à la ronde, la fumée s'évanouissant peu à peu en atteignant le ciel. Une idée me frappa alors : s'il y avait un quelconque danger à la ronde, nous représentions une proie de luxe, le crépitement du feu et les nuages noirs symbolisant un néon géant ciblé sur nous.

Je fronçais les sourcils, inquiète. Nous étions partis du principe que ce Royaume se définissait par sa désertion et la dépression profonde qu'il semblait provoquer chez ses hôtes ; rien n'empêchait pourtant qu'une menace sournoise s'abatte bientôt sur nous. Par précaution, j'envoyais un œil en éclaireur, afin qu'il tourne autour de nous, tel un drone organique. En proie à un remous intérieur épuisant, je m'assis en tailleur et entamais un qi gong visant à me détendre et épurer mes pensées. Un état méditatif m'envahit peu à peu, alors que mon regard se perdait une fois de plus dans le feu.

[Père Castor]

PIX

*Le voyageur continue son office auprès du rêveur. Sans vouloir lui jeter des fleurs, il s'en sort mieux que Marvan mais à l'inverse de la demoiselle, y avait pas un train qui faisait "Tchou tchou" à côté, le rêveur se calme et le contact se fait un peu.

Un seul problème se pose maintenant ... A quel peur le confronter à présent ? Le Voyageur avait envoyé pété l'origine de la peur qu'il aurait du affronter de lui-même...*

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MARVAN

*Marvan avait réussi à trouver un petit monticule assez stable pour qu'elle puisse prendre de la hauteur. L'endroit semblait vide et si vaste...

Mais un mouvement furtif venait de capter son attention dans la périphérie de son champ de vision. Elle n'aur... Ah bah si, y a comme des rames qui volent... Genre comme si un gros machin se déplaçait en envoyant péter les gros machins sur le chemin... Du coup ça fait voler des rames...

Et le machin inconnu a l'air de se diriger vers la position de Pix.

Je dis ça, je dis rien.

Ça va vite.*

[Marvan]

J'écarquillais les yeux, horrifiée. Nous avions probablement offensé une espèce de forcené, ou une force de la nature, car une créature encore invisible venait à toute vitesse dans notre direction. Et elle était sacrément vénère. Je vis des rames de métro entières se soulever, comme on écarterait des épis de blé sur notre passage. Le monstre les envoyait par dessus lui avec facilité ; le boucan provoqué par leur atterrissage s'apparentait à un tremblement de terre.

Je restais bouche bée quelques secondes, complètement ahurie. Je hurlais à plein poumons pour prévenir Pix, mais face à l'incompétence manifeste de mon volume courant, envoyai quelques phalanges. J'espérais qu'il comprenne le danger imminent, quitte le Voyageur pour prendre de la hauteur et anticiper la venue de cette atrocité. Je peinais à me calmer, car je ressentais une colère violente nous venir en pleine face. Était-ce un habitant du Royaume? Avait-on d'une façon ou d'une autre contrarié les plans de quelqu'un? Après tout, nous venions de rompre une boucle infinie... Je repensais au cauchemar de mon patient avec émotion : pouvait-on considérer "normal" de laisser les choses telles quelles? Souffrir ainsi sans interruption, revivant sans cesse la même frayeur mêlée de désespoir...

Tout en considérant, impuissante, la menace qui approchait, un tiraillement entre la peur, l'angoisse et l'indignation me fit monter le rouge aux joues. Si nous avions à défendre nos vies, nous ne saurions protéger le Voyageur et je savais d'avance que Pix me reprocherait de prendre des risques pour un gars qui mourrait approximativement toutes les vingt minutes. Seulement...

Et s'il mourrait maintenant? Serait-ce la solution... ou la perte de tous nos efforts?