Gabriel l'avait tué. Dans sa rage et son indifférence, il s'était vengé de ce voyageur qui au début de ses nuits les avait tous mit en danger. Il respirait bruyamment, à des rythmes saccadé comme s'il venait de courir un marathon. Sa tête tournait légèrement et son rythme cardiaque ainsi que sa tension grimpait en flèche.
Il s'était vengé.
Le jeune garçon devrait jubiler, rire sardoniquement et à plein poumon. Exulter sa folie, libérer ce flot d'émotion tourbillonnant en lui dans un coffre encore enchaîné. Cependant, bien que son corps ressentait les frissons de son premier meurtre, il ne ressentit aucune joie ni apaisement. Une légère nausée vint le saisir tandis qu'une odeur de pourriture grillé agressait ses narines. Il fut prit de léger soubresauts tandis qu'il jetait des yeux emplie de dégoût sur le corps mort de Simon.
Il n'y avait nul joie, nul plaisir.
Sa rage avait entièrement disparu, remplacé par un sentiment nouveau qui lui donnait l'impression d'être aspiré par lui même. Gabriel se dégoutait lui même. Beaucoup de gens se seraient effondré ou auraient été heureux d'avoir commis un crime chargé d'émotion et de rage.
Pas Gabriel.
Il ne se sentait pas vide, juste, souillé. Souillé par ses propres actions, son propre jugement. Et si des larmes commençaient à couler, ce n'était pas à cause d'éventuels remords. Gabriel ne ressentait aucun remord ni regret pour ses actions, il venait de tuer Simon, cela restait un constat qu'il ne pouvait changer et qu'il ne changerait pour rien au monde. On ne change pas le passé.
Gabriel ne touchera jamais au passé.
Ses mains tremblantes tentèrent de toucher un corps invisible dans les airs, au dessus de celui de Simon. Un tsunami d'émotion le submergea tandis qu'il tombait à genoux.
-Qu'est-ce que j'ai fais...
Sa voix tremblante faisait mention de Ying, non de Simon. Mais ce qui devenait intéressant et étonnant, c'était que la mort de Sheep lui faisait ressurgir des remords de la nuit de la veille. Une mort qui avait éveillé sa conscience et lui montrait à présent toutes les fautes commises, comme s'il se retrouvait devant le tribunal de sa propre conscience.
*Je suis désolé... tout est de ma faute... je suis un gros connard... connard... connard...*
Il frappa du poing alors qu'il laissait s'échapper de ses yeux des dizaines de larmes amère. Puis Gabriel ressentit de la pitié pour Simon. Aucun regret, juste de la pitié. Il ne méritait pas ce sort, cette torture, cette désillusion. Puis il eut peur... Non de ce qu'il venait de faire.
Il avait peur de lui-même.
Cette facilité à éprouver une telle haine, une telle colère. Jamais il n'avait ressenti une telle haine pour quelqu'un, pas même les gens d'AB Productions ! Dans la vie réelle, jamais il ne se serait abaissé à être aussi cruel, laissant le karma se charger de sa vengeance. Mais il avait tenu personnellement à le faire, à le briser. Détruire chaque parcelle d’humain qu’il détenait. Le traumatiser, réduire son être à l’état de larve. Et il aurait savouré cette souffrance tel un café que l’on déguste. Humé sa souillure, goûté à sa peur. Cette personne qu’il aurait humilié de corps et d’esprit aurait été son chef d’œuvre, sa peinture monumentale, son met fin et exquis. Un ensemble de peur, de haine, de peine et d’humiliation. Rien que d’y penser, Gabriel pouvait ressentir une légère excitation, un fin frisson. Pas maintenant. Pas en ce moment. Il avait peur. Peur de lui-même. Non pas de ce qu’il venait de faire, mais de ce qu’il venait de ressentir. Le plaisir de faire souffrir autrui, de le réduire à l’état de loque, de merde humaine. D’écraser sous sa chaussure un faible qui de toute évidence n’avait aucune chance face à lui, un soldat de la résistance, maître du feu capable de faire exploser des gens.
Il pleurait toujours. Puis il s’arrêta.
Cela avait duré une bonne dizaine de minutes. Il s’était fait une raison. Dreamland le change, la guerre le change, tout ça le change. Il comprit enfin. L’absence de règles, de loi, agissait comme une désinhibition. Toutes les règles et les tabous qui retenaient Gabriel de faire de telles erreurs étaient rongés par l’absence de limite dans ce monde. Lorsqu’il eut fini il sécha ses larmes, se leva et tendit une main vers le corps du garçon tué. Des flammes s’échappèrent de ses mains, caressèrent tendrement la peau du jeune homme avant de le consumer entièrement. Il s’éclaircit la gorge, prêt à faire une légère prière pour honorer sa mort par combustion spontanée.
-Poussière tu nais, tu retourneras poussière.
Il se retourna, prêt à partir mais tourna la tête pour observer le corps en flamme.
-T’as le bonjour d’Alfred.
Gabriel partis de cet endroit sordide.