*Bêscherel détaille un instant Julien.*
- La première classe de Zarbis... Aime l'orange. La seconde est niaise. La dernière réagit au latin. Mais on ne peut espérer se faire le maître de ces créatures sans avoir avec elles une relation privilégiée. Tu aimes les Zarbis, donc tu peux conquérir les Zarbis. Veille à maintenir ce lien, sans quoi tu n'auras plus aucun ascendant sur eux et ne pourras jamais activer leur pouvoOUAAAA...
*Il bâille. Cela fait longtemps qu'il n'a pas tenu une conversation et voilà qu'il se rappelle que développer une pensée en mots clairement énoncés est fatigant.*
- Pouvoir. Maintenant, pour ce qui est de leur nature...
*Le grand dragon fait une pause. Il ne peut avertir Julien. C'est son libre arbitre qui fera ou non de ce garçon l'élu d'Orthopolis.*
- Dans des temps anciens, un être apparut en notre monde. Il parlait une langue étrange, phonétique, faite d'abréviations et de mimiques. Au début, il intrigua. Mais peu à peu, on constata que ceux qui le côtoyaient perdaient l'usage du langage écrit. Créatures des rêves, rêveurs, voyageurs, nul ne pouvait se soustraire à l'influence néfaste de cet étrange personnage. Et celui-ci gagnait en puissance un peu plus chaque jour, à mesure qu'il contaminait les rêves. Face à la menace que représentait un être capable de détruire toute notion de communication construite, Orthopolis dut intervenir. Et tu sais peut-être, jeune homme, que la cité n'appartient ni au cauchemar, ni au rêve. La reine en place agit en toute neutralité, appliquant les mesures qui s'imposaient. Ses mages s'unirent pour créer un artefact capable de sceller celui qu'on appelait désormais Kevin, le grand Kikoolol. On fit appel à une science terriblement délicate : l'alchimie. Ainsi furent créés vingt-six golems. Chacun était un symbole, leur ensemble formait un langage. Avec ce langage, les magipokâgnes rédigèrent le sceau. Kevin fut ainsi piégé dans ce qui s'apparentait à un simple grimoire. Victoire était acquise... Les golems, qu'on nommait Zarbis, se virent attribuer un pouvoir supplémentaire et anodin, afin de dissimuler leur importance. Assemblés, ils conféraient à leur possesseur la possibilité d'accéder librement à Orthopolis -à l'époque, la cité était déjà nomade. On les confia à un Voyageur de la ville, David. Mais l'alchimie est un art régi par des règles immuables... Rien ne se perd, rien ne se crée. Pour donner naissance aux artefacts, il fallait payer le prix. C'est ainsi qu'un jour, le Voyageur découvrit ce qu'on avait jugé préférable de lui cacher : pour chaque Zarbi créé, il avait fallu offrir une vie. Pour accéder à la victoire, la reine avait fait tuer vingt-six voyageurs de Dreamland. Révulsé, David commit un acte irréparable... Il trahit sa souveraine et employa le pouvoir tiré de sa phobie pour disperser les Zarbis dans le futur. Bien entendu, il fut traqué et la suite de son histoire fut courte. Mais les artefacts étaient perdus...
*Le regard de Bêscherel se perd un moment dans le vide.*
- Il semble qu'aujourd'hui nous ayons atteint le futur dans lequel la cité a à nouveau besoin d'un voyageur...