[Développement]
Data East / [Édition]
Sega / [Marché]
Europe / [Année]
1988Pour ce troisième Retrospective GameTest, après être passé par la NES et la SMS, il fallait un jeu qui puisse faire transition. Je vous avouerai que j'ai souvent été pro nintendo pour la génération 8 bit, et pro sega pour la génération 16bit. Mais dans un objectif d'impartialité,
Captain Silver s'annonçait comme un choix pertinent, et vous allez comprendre pourquoi.
Et chose évidente, il va y avoir des choses à dire. Beaucoup de choses !
Lancement1987, un jeu sort sur borne d'arcade. Il se nomme Captain Silver et s'inspire librement de
l'Île au trésor de
R.L. Stevenson. Cela fait alors un an que la Master System est apparue sur le marché, sur laquelle beaucoup de portages d'arcade sont effectués. Captain Silver n'échappera pas à la règle, il sera adapté très rapidement et commencera à se vendre sur le sol américain en 1987.
On a alors une couverture typée comic (ci-dessous à gauche), qui nous présente un blondinet plein de charisme qui se bat en haut d'un mât contre un pirate squelette. La jaquette donne envie ! Quelle belle vitrine pour un jeu tout pourri POURRAVE.
À gauche version US - À droite versions Jap/EU
Oui oui, il est moisi. Je vais y venir...
Le jeu est sorti en même temps au Japon, tant sur Master System que sur Famicom (la NES japonaise), et si je le précise, c'est que les jeux sont sensiblement différents (même scénario, mais le gameplay est loin d'être le même). On a alors une jaquette nettement plus orientée bande dessinée (ci-dessus à droite), qui fait perdre toute crédibilité à notre avatar, d'autant plus qu'il se retrouve avec un turban pour une raison que je n'explique pas encore... On remarque la présence de quatre screenshots (cf plus bas), dont trois montrent le premier niveau, à des endroits espacés de trois mètres...
Pourquoi ? Pourquoi avoir choisi ces screenshots là, d'autant plus que la cover met en avant l'univers de la piraterie qui sera exploité graphiquement dans le jeu, et que le premier niveau ne reflète en rien cette intrigue de flibustiers et de corsaires !
Et le choix de la quatrième image n'est pas mieux, puisqu'on a juste notre personne sur un mât à peine visible, dans un ciel bleu uni qui n'est en aucun cas témoin de l'ambiance graphique et du travail apporté au level design. Autrement dit : les captures ne montrent
rien, et rien de flatteur qui plus est.
Mieux valait encore la couverture minimaliste Famicom, avec un simple titre sur une carte parcheminée. Car si vous me demandez mon avis, cette jaquette est – clairement –
ratée.
(Vous pouvez agrandir l'image)
Notez encore une fois la possibilité de jouer au pad comme au stick arcade (pas étonnant pour un portage), mais aussi la mention « MEGA TYPE: Two-Mega ». Ce genre de mention était typique des jeux NeoGeo, car on annonçait le poids des jeux comme argument de vente (Nam 75 sur NeoGeo faisait 46Mo par exemple). Si ici, sur un jeu 8bit, la précision est faite, c'est que la version américaine du jeu (qui est toute pourrie, rappelez-vous) n'est que d'un méga.
En effet, le jeu a volontairement été réduit et saccagé pour des raisons de coûts de production. Il est donc plus court, et bien plus laid. Il n'est pas rare que des jeux ne sortent pas du territoire US à cause de leur mauvaise facture, mais que la version US soit à ce point minable face à ses versions européenne et japonaise est réellement incompréhensible.
Let's game !!
Bref, nous mettons sous tension et arrivons directement sur l'écran titre simpliste comme sait si bien le faire la Master System contrairement à la Nintendo 8bits si attachée à la présentation des crédits
(on adore tous). Ce petit medley musical aura le don de nous rentrer dans la tête lors de nos premières parties ; le game over ne se faisant pas rare, nous reviendront souvent à ce premier tableau.
Une chose qui est à noter, l'écran titre dispose de
deux vidéos de démo, présentant dans l'ordre le premier level, puis le second. Je n'ai pas le souvenir d'un cas similaire, à moins que ma mémoire ne me fasse défaut. C'est peu anodin.
La version Master System (à gauche) est bien plus belle que sa concurrente
Sans agrandir, les graphismes NES paraissent vraiment brouillons
La quête est assez basique : nous incarnons un jeune homme sans peur et sans reproche du nom de Jim, qui ne chante pas dans le groupe The Doors mais qui décide de partir à la recherche du trésor du célèbre Captain Silver par goût de l'aventure et soif de richesses. On nous dit que le trésor est caché aussi loin que là-bas tout là-bas
(à peu près à l'endroit où tu voudrais que ton ex soit), et que des gens parfaitement
pas mis au courant de notre expédition vont venir nous taper dessus. En bref, un scénario simple mais prometteur.
Pas de chichi, pas de blabla, on commence au premier niveau dans le village qui nous donnera accès à la mer. Notez que dans la version Famicom, à l'instar de tout bon jeu de rôle qui se respecte où tout commence et tout finit dans une taverne, votre personnage vient à l'instant d'en sortir, et que comme tout gros blaireau, il a pas été fichu de se trouver un seul compagnon de voyage .
Système de jeuCaptain Silver est un action plateforme pas vraiment plateforme, où l'objectif est de traverser un plan unique dans le temps imparti, vaincre des ennemis et récupérer des power-up avant d'arriver à un boss de fin. Et ce qui est certain, c'est que le challenge n'est pas aux abonnés absents. Les versions ne se distinguent pas vraiment concernant la difficulté, ce sera finalement aux joueurs de constater s'ils sont plus orientés survival ou aventure. Au niveau des contrôles, on se place au dessus d'un Sword of Sodan, mais pas encore au niveau d'un Lord of Sword.
La version Famicom a un peu transformé le jeu pour lui donner une dimension Zelda, avec une gestion de la vie et d'un inventaire, la possibilité de rentrer dans des habitations et parler à ce fameux vieux très inutile, et surtout la présence de
continus. Coté SMS, on a un classique jeu d'action moins l'aventure, où l'erreur n'a pas sa place : une seule blessure suffira à vous mettre hors jeu, avec une gravité lunaire débile pour un jeu d'arcade. C'est un flibustier, pas un astronaute, merde.
Notez le pot d'herbes médicinales sur l'image de gauche. C'est le Calice. Vraiment.
Chez Nintendo, on notera comme les points sont bradés. Après les boss (faciles, bizarrement, alors que t'en chie pour le reste), le joueur aura la possibilité de gagner 2000 points s'il choisit le bon coffre parmi les deux proposés. Ces points lui serviront à acheter des power-up dans les magasins dont il faudra trouver les clefs. Chose qui est aussi présente dans le jeu chez Sega, mais avec un système de cartes vertes à ramasser, donnant plus ou moins de points. Certaines cartes sont inscrites de lettres qu'il faudra collecter pour former le mot « Captain Silver » qui, une fois complété rapportera une vie supplémentaire. Ce qui rend les vies plus difficiles à obtenir, je vous laisse compter le nombre de lettres dans « Captain Silver ».
PUTESPour se défendre, notre petit aventurier a à sa disposition un sabre d'abordage, dont le bras qui le manie est bien mieux animé dans la version Master System d'ailleurs. Il pourra aussi s'améliorer avec des armes plus puissantes entre lesquelles il pourra switcher dans la version Famicom, il faudra se contenter d'un simple « laser » greffé à son sabre chez Sega (qu'il faudra up-grader en capturant des fées).
Mais la grande différence entre les deux versions, c'est la présence d'une barre de vie, de cœurs et d'un bouclier dans la Famicom. Il faudra donc s'acharner davantage sur les ennemis (certainement pour rétablir une certaine difficulté au vu de l'ajout de la vie et des continus) alors qu'un seul coup sera mortel pour tout le monde dans la version de Sega, à moins de récupérer des herbes médicinales qui permettront d'encaisser un coup avant de
DÉCÉDEEEEEEEEER.
Les prix sont justes abusés sur Master System -__-
Oui, sur Master System, on a des couilles, on est orienté arcade. Restent deux bonus sont communs aux deux versions :
- les bottes qui permettent de sauter plus haut (useless vues sa durée riquiqui et la précision merdique des sauts),
- et l'horloge figeant temporairement le chronomètre (useless aussi, vu qu'on est large).
AmbianceContrairement à ce qu'auraient pu faire croire les screenshots de la jaquette, Jim devra traverser l'océan pour se rendre dans les contrées du Grand Est, va se faire jeter comme un malpropre du bateau sur lequel il avait embarqué, va devoir terminer son voyage en barque (avec le soleil qui va se coucher en cours de partie, c'est assez classe. Un peu comme sur Aerial Assault), et traverser la jungle et le volcan de cette île au trésor.
Notons que le niveau 2 dans le bateau a été modifié sur la version Nintendo (à gauche) pour être beaucoup plus labyrinthique. On doit parcourir les cales, et du coup, la transition avec le niveau suivant du canot de sauvetage devient difficilement compréhensible. Surtout qu'il a été ajouté une séquence de grotte sous-marine, avec l'insulte suprême des fonds noirs lorsqu'on affronte les boss ("ha non, tous ces sprites, je peux pas m'en sortiiiiiiiiiiiiiiiir" dixit la NES).
« Haaaaa, une fontaine, ma mortelle ennemiiiiiiie »
Car oui, sur la Famicom, on se posera aussi la question de la légitimité d'avoir fait quelques écarts et incorporé un Frankenstein à la sortie du village, des extraterrestres dans la grotte océanique, et autres trucs débiles qui ne renforcent pas vraiment l'univers de la piraterie. Sans parler de la (fucking classic) fontaine du tout premier niveau, où notre personnage peut se noyer...
C'est quoi ce moussaillon qui se noie dans 30cm de flotte, sérieusement ?
C'est là qu'on voit tout le manque de charisme de son personnage, et plus encore sur Nintendo où il est – clairement –
moche. Notons aussi les espèces de loups-garous dans le village, les chats de Cheshire que tout le monde aura en tête, et le joueur de flûte de Hamelin qui passait par là et s'est dit qu'il pourrait rester dans le jeu. D'ailleurs, le joueur de flûte diffère un peu selon les versions, puisqu'il invoque des rats dans la version Famicom, et nous attaque avec des notes de musique dans la version Master System.
Je me plais à souligner aussi l'interface du magasin de power-up, tenu par un petit chinois chez Nintendo, avec des prix divisés par trois ou quatre par rapport à chez Sega (je me méfierais du made in china, doit y avoir du plomb dans les grolles et le bouclier).
Me demandez pas pourquoi
Si le jeu est appelé action-plateforme, c'est que la plateforme apparaît à partir du niveau 4. Et c'est bien là qu'on va commencer à haïr notre personnage, avec une gravité
supra lourdingue coté Master System, et super imprécise chez la concurrence pour laquelle je ne parlerai même pas du décors de cascade qui vous fait friser la crise d'épilepsie pendant qu'on se focus sur les plateaux mobiles sur lesquels on doit avancer.
Et c'est là qu'on revient sur une spécificité du jeu : c'est sa difficulté qui sera rédhibitoire pour certains, sans parler du fait qu'elle monte en flèche à partir du quatrième level. Avec ce manque de maniabilité, même les actions les plus simples deviennent un calvaire, comme esquiver les attaques des boss. On ne démarre le jeu qu'avec trois vies, et c'est bien ça qui donnera sa durée de vie au jeu : les game over à répétitions lors des premières parties. Sans oublier que certains boss de la version Master System seront capables de vous oneshoter, même si vous avez récupéré les herbes. On sera bien heureux d'avoir des sorts dans une version, et des up-grades dans l'autre pour pouvoir tirer des étoiles avec son sabre.
Tant que j'y suis à parler des boss, je préfère clairement la version de chez Sega pour ça. On affronte une sorcière, un capitaine corsaire, un cyclope, un dragon... je regretterais de ne pas avoir eu le poulpe de la grotte sous-marine, mais on ne peut pas tout avoir. Et enfin et surtout, le Captain Silver qui a quand même gravement la classe, contrairement à son équivalent Famicom : une espèce de tête volante fantôme... moouais, bof...
Bon, par contre, je le concède, un trésor dans un arbre, c'est pas super crédible. Les coffres et les pièces qui débordent dans la version Nintendo, c'est beaucoup plus attrayant.
ConclusionCaptain Silver est un jeu bien rétro de la période 8 bit. On pardonnera aisément ses contraintes de gameplay qui donne un coté nostalgie et/ou arcade et on appréciera le game design des zones traversées, l’atmosphère du thème pirate étant assez rarement exploitée sur console. Malheureusement, le jeu accuse salement son âge : les sprites sont brouillons, leur animation bâclée pour la version Famicom, et les décors sommaires. D'autant plus qu'il n'y a aucune tentative d'animation de l'arrière plan, tout reste fixe et rigide sans aucune perspective ou profondeur.
Et c'est là que je - ne - comprends – pas -
pourquoi il y a des scintillements et des clignotements sur un jeu qui ne tire pas les tripes de la console ! La version de Nintendo est vraiment catastrophique au moment des boss, où notre personnage
devient transparent tellement il clignote. Surtout que les consoles disposent aussi d'une palette de couleurs moins riches que la version arcade, mais ça a enfin donné une identité graphique et une continuité au jeu.
J'en terminerai sur la bande sonore que je ruminais jusqu'à maintenant : en dehors du bandeau titre, du jingle de victoire et de la mélodie des boss, les musiques sont pas terribles. Elles se révèleront moins stridente du coté de Nintendo comme c'est souvent le cas, mais seront tout aussi répétitive et soulante. Et faudra qu'on m'explique qui est le génie qui a décidé de faire biper les étoiles quand elles touchent leur cible ! Une fois uppé, notre sabre peut tirer jusqu'à six étoiles.
SIX. Six bip à
chaque fois qu'on frappe. Qui a eu l'idée de mettre un son aussi gavant, sérieusement ?
Un peu de 6e niveau
Pour la durée de vie, elle se positionne clairement par rapport à sa difficulté. Comptez une trentaine de minute si vous êtes un hardcore gamer, mais beaucoup, beaucoup plus pour la prise en main et la découverte des boss. Ne vous étonnez pas d'y passer cinq ou six heures, vous risquez de régulièrement retomber à l'écran titre et de faire des ragequit. Mais ça en vaut la peine, car l'ending est vraiment correct, avec pas mal d'images et un chouette petit épilogue.
Enfin, ça, c'est pour la version Master System. Attendez-vous à des crédits pour la version Famicom (hé ouais, désolé. Il nous font le coup à chaque fois).
La version américaineVous vous souvenez ? Hé oui, la version naze.
Je vous le disais, je prenais position, et vous allez voir que ce n'est pas sans raison. Les versions européenne et japonaise proposent un jeu de 6 niveaux, avec des boss et quantité d'ennemis.
La version américaine ne comporte que 4 niveaux, la scène de radeau et une grande partie du niveau 6 étant absente. Certains boss et sous-boss ont aussi été retirés sans vergogne. Comprenez : pas de dragon pyroman, pas de cyclope hooligan qui jette des pierres, pas de poulpe de la mort. Le jeu en devient alors ridiculement facile, et surtout très ennuyeux. En quelques mots : un jeu trop court qui manque de substance, et qui vous coûte cher pour à peine 10 à 15 minutes de jeu maximum.
Reste la plus grosse insulte : oubliez la fin tout en images, nombreuses, de la version Master System, il vous faudra vous satisfaire d'un simple texte qui défile. C'est presque plus insultant que des crédits.
ÉpitapheCaptain Silver peut être heureux de son atmosphère qui le rend singulier, car il a mal vieilli et ses graphismes se sont essoufflés.
Il est étonnant que Captain Silver ait été multiplateforme. On pourra quand même se satisfaire d'une version SMS qui aura su garder une grande fidélité, contrairement à la version Famicom (ou à l'épisode américain). C'est un jeu à tester sans pour autant être exceptionnel, mais qui réservera une bonne expérience vidéoludique.