En cette heure qui avance je réécoute une chanson extraite d'un album que j'ai envie de présenter un long moment.
Il est des groupes, des chanteurs, qui ne percent jamais au grand jour. Le groupe que je vais vous présenter aujourd'hui en fait partie, et, en toute sincérité, je le considère comme le meilleur groupe qu'il m'ait été donné de découvrir dans toute ma vie.
Rien de moins que ça.
Cachée au fin fond des ténèbres des fonds de tiroir des années 80, l'explorateur curieux pourra découvrir comme un archéologue déterre un trésor inestimable, ce groupe.
The Chameleons.
Un groupe mancunien mené par Mark Burgess, un auteur aux textes incroyables.
The Chameleons est donc un groupe de post-punk britannique formé à Manchester à la charnière des années 70-80 (en 1981, pour être précis). Oui, encore. Oui, il y avait une véritable ébullition en ce temps-là à Manchester. Le groupe est donc formé de Mark Burgess (bassiste, chant), Reg Smithies (guitare), Dave Fielding (guitare), et John Lever (batterie).
Le groupe commença sa carrière en 1981, en signant sur le label Epic pour publier Nostalgia, un EP produit par Steve Lilywhite (U2, Simple Minds, etc...) sur lequel figure une chanson épique, In Shreds. Avec une batterie martiale, des guitares distordues et un texte à glacer le sang ("I suddently knew, that my life meant nothing at all !"), elle fait partie des grands chansons du post-punk... Et reste donc dans les ombres.
The Chameleons - In ShredsLe groupe publie son premier véritable album en 1983, toujours sur le label Epic, eeeeet... C'est un chef-d'oeuvre. Une oeuvre d'une maturité immense, avec des textes ciselés au couteau par le génie de Mark Burgess, dont la grand talent est de transformer des problèmes personnels en problèmes avec lesquels tout le monde peut s'identifier. Il deviendra un immense album culte dans les décennies suivantes, reconnu comme pierre angulaire du post-punk britannique, au même titre que From The Lion's Mouth (The Sound) ou Unknown Pleasures (Joy Division).
The Chameleons publia ensuite un second album en 1985, What Does Anything Mean? Basically. Encore une fois, l'album est une merveille, même s'il a moins ma préférence que Script Of The Bridge ou Strange Times.
Et puis, en 1986, sort Strange Times.
Signé sur le label Geffen, Strange Times est leur album le plus puissant, les plus abouti, le plus musical, le plus fin, le plus recherché. Sachant que tout ce que les Chameleons ont fait est de l'or en barres, c'est quelque chose.
The Chameleons - Strange Times (1986)Mais, encore une fois, ce chef-d'oeuvre est tombé dans l'oubli. Je ne l'ai découvert qu'il y a trois ans, grâce à un ami. Et je l'ai découvert par une chanson très spéciale: une chanson que je considère encore aujourd'hui comme la meilleure jamais écrite. SWAMP THING.
J'en parlerai en temps voulu.
L'album s'ouvre sur un tourbillon vertigineux de guitares qui entraîne l'écoutant dans une frénésie folle qui reflète l'état psychologique du personnage du texte (Mad Jack). On continue ensuite avec Tears, une chanson déchirante, acoustique, atypique sur l'album. Et puis ça monte. Avec une chanson épique, Soul In Isolation. Le texte, désespéré, parle d'une personne aliénée par son sentiment de solitude:
"I'll give you my time to kill
But you'll never never
Break my will
Or I could sink a sleeping pill
And in the morning could be
Sleeping still
But most of you are much too ill
Way beyond a surgeon's skill
In bondage to a dollar bill
What more can you buy?"
Musicalement parfaite, elle me sidère à chaque fois par un dialogue de guitares époustouflant après le refrain. On touche là à un sommet absolu.
Mais c'est pas fini.
Après, il y a SWAMP THING.
Cette chanson, je la considère comme la meilleure chanson rock jamais enregistrée. Les mots me manquent pour décrire le sentiment que je ressens vis-à-vis de de cette chanson.
Je pourrais passer des heures à discuter de la perfection absolue de cette chanson. S'ouvrant avec un riff de guitare déformé, et un synthé qui semble flotter dans les ténèbres, elle est lancée en avant par une batterie martiales à laquelle vient s'ajouter un jeu de cymbales qui frissonne dans les ombres puissantes de la chanson. Puis, après 1 min 40 de la meilleure introduction qui existe dans le rock, elle est encore portée plus haut par la voix étrange de Mark Burgess sur un texte mystérieux, cryptique. Et ça continue comme ça pendant 5 min, avec la basse de Mark Burgess qui ajoute encore une tension à ce morceau épique.
Je l'écoute rarement, et quand je l'écoute, c'est limite dans des conditions religieuses.
Cet album, signé sur un grand label, un véritable chef-d'oeuvre, n'a jamais atteint le statut qu'il mérite. Il s'est perdu dans les tiroirs perdus des années 80. Le groupe, lassé, se sépara juste après.
Ils se sont toutefois reformés en 2000 pour publier un album, Why Call It Anything ? Ils tournent encore aujourd'hui, mais sans la plupart des membres originaux. Ils étaient l'année dernière à Leuven, par exemple.
Si ça vous a plu, n'hésitez pas à gratter Youtube à la recherche des productions de ce groupe. La communauté de fans est très fidèle et attachée à son groupe. Ils ont donc publié pas mal de perles qui permettent de se rendre compte du génie du groupe et de leur vision musicale unique. On n'en n'a pas fait deux des comme eux.
Note: 9/10
Best Of:
Mad Jack, Caution, Tears, Soul In Isolation, Swamp Thing