*Après avoir chaudement remercié la midinette de l'accueil, Leuffen se dirigea vers l'un des escaliers trafiqués, qu'il trouvait quant à lui parfaitement normaux.*
#Alors, voyons... qu'est-ce qu'elle a dit déjà ? Le premier étage ne me tente pas, vu que je me débrouille déjà en caricature. Le second est plus intéressant mais un portrait ça devient vite limité.
Autant essayer tout de suite un challenge avec les nus du septième étage, on verra alors si j'ai le sens des... proportions !#*Leuffen entreprit donc de monter gaillardement les marches, excité à l'idée de faire de nouvelles expériences. Il eut bientôt une multitude de questions qui lui trottaient dans la tête : lui prêterait-on du matériel ? A quoi ressemblait cet étage ? Croiserait-il Pénélope Cruz ? Pourquoi les canards ont-ils des palmes ?
La tête commençait à lui tourner et il s'assit quelques instants sur les marches pour reprendre son souffle. C'est alors qu'il s'aperçut... qu'il avait la tête à l'envers ! Sans qu'il s'en aperçoive, l'escalier s'était fourbement retourné !
Le premier réflexe animal de Leuffen fut de s'agripper à la rambarde pour ne pas tomber en poussant un glapissement pathétique... jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que ses pieds adhéraient naturellement au marbre des marches comme si l'escalier avait été à l'endroit.
Pâle comme la mort, le jeune homme avança un pied, puis l'autre tout en agrippant la rambarde et en poursuivant sa route. Il ne fallut que quelque mètres avant que sa migraine ne s'en aille et qu'il ne comprenne que l'escalier avait retrouvé sa position première.*
#La vache ! Elle ne rigolait pas la petite, quand elle disait que les escaliers n'en faisaient qu'a leur tête. Facétieux, tu parles !#*Leuffen continua donc à monter, monter, jusqu'à dépasser le pallier indiquant le deuxième étage. Il sentit une onde passagère de découragement le traverser mais reprit son ascension en faisant la grimace et sans prêter attention à la porte de cet étage.
Il marcha, marcha, jusqu'à apercevoir un nouveau palier dont la porte d'entrée était épinglée d'un magnifique étiquette indiquant : "Deuxième étage : portraits."
- Quoi ?! Mais je n'ai pas arrêté de monter ! Comment j'ai fait pour redescendre ?*Leuffen se retourna alors pour estimer le chemin parcouru et tenter de comprendre.
Il constata alors que son escalier avant changé de sens imperceptiblement pendant sa marche, le ramenant en arrière.
C'était cette vieille saleté d'illusion d'optique, celle montrant un escalier qui monte ET descend !
L'artiste maudit s'assit alors sur les marches et réfléchit, refusant de céder au désespoir.*
#Bon... Y-a pas trente-six solutions. Je ne vais pas passer ma nuit à me laisser feinter par des escaliers qui ont la bougeotte ! Mieux vaut rester au deuxième étage.
Après tout, c'est pas si mal les portraits.#*Il se releva d'un bond et piqua un sprint vers la porte, espérant de toutes ses forces que le colimaçon ne se changerait pas au dernier moment en une saleté d'escalator !
C'est donc essoufflé qu'il arriva sur la palier, qu'il ouvrit la porte et la claqua vivement après s'y être engouffré.
Leuffen était arrivé dans une galerie au murs entièrement couverts de portraits et éclairés par des lustres. Mais les luminaires ne réchauffaient pas les lieux mais semblaient au contraire diffuser une ambiance glaçante.
Les portraits représentaient des personnes de tous sexes et de tous âges. Certains étaient hiératiques, d'autres affichaient des mines enamourés ou souffrantes... mais tous semblaient dégager une aura singulière, comme si l'artiste avait su capter l'âme de ses sujets et l'introduire dans ses œuvres.
L'un deux en particulier semblait être animé d'une vie propre sous la lumière des bougies, même s'il ne représentait qu'un monstre à peine humaine. Le tableau était sobrement intitulé
Dorian G.*
*Tentant d'ignorer les frissons qui lui parcouraient l'échine, Leuffen marcha d'un pas décidé dans la galerie en cherchant du regard quelque chose qui ressembla de près ou de loin à une salle de classe ou à un coin pour faire des esquisse.
Soudain, un éclat de lumière au bout de la galerie attira son attention et il se dirigea vers lui en évitant de faire du bruit. Dieu sait que les artistes y étaient sensibles !*